Celle qu’on n’achète pasRené Maizeroy(La Fête)1893— Ah ! j’aurais bien parié tout ce qu’on eût voulu tenir au livre, s’exclamaSarmegens, les coudes sur la table, que celui-là échapperait à la contagion,s’éteindrait un jour paisiblement en ruminant le cours de la Bourse, en mâchonnantdes chiffres entre ses râles d’agonie !Il semblait, en effet, si pondéré, et d’aplomb avec son ventre arrondi de satisfait,ses petits yeux gris fureteurs, son nez dont la crochure accusait les ghettosoriginels, ses grosses lèvres, lippues et souriantes. Il avait une telle apparence derespectabilité assise, de bien-être insoucieux, d’égotisme dont aucune chimèrestérile, aucune peine, aucun élan ne troublent la parfaite quiétude. On enviait sonflegme, on eût voulu avoir son rire qui faisait penser au remuement d’un sac d’écus,s’étaler béatement comme lui à la fin d’un dîner, et, comme lui aussi, hausser lesépaules quand on parlait de quelque désastre, qu’on philosophait entre deuxcoupes d’extra dry sur les fantasques caprices du destin. Il n’avait même pas lesinstincts de sa race, la passion de l’argent qui affole et détraque les plus solides. Ilpassait presque indifférent dans cette pléthore de millions, se laissait vivre en unetorpeur jouisseuse sans émoi, sans manie atavique, sans suggestions libertines.De tous ses frères qui ont piqué sur la carte du monde les épées symboliques deleur blason, le comte Jacob Goldstein jouait le moins la comédie de la charité, semontrait ...
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