Prologue Juillet 2005 On ne m’aimait pas assez. C’est pour ça que j’ai disparu. À dix-neuf ans. Ma vie jouée à pile ou face! Dans cet espace immense – sauvage – des pins répétés à l’infini, les pentes abruptes des Adirondacks pareilles à un cerveau plein à éclater. La réserve forestière du Nautauga: cent vingt mille hectares de solitudes montagneuses, boisées, semées de rochers, bornées au nord par le Saint-Laurent et la frontière canadienne, et au sud par la Nautauga, le comté de Beechum. On pensait que je m’y étais «perdue »– que j’y errais à pied – désorientée ou blessée – ou, plus vraisemblablement, que mon cadavre y avait été «balancé ». Une grande partie de la Réserve est sauvage, inhabitable et inaccessible, excepté pour les marcheurs et les alpinistes les plus intrépides. Presque sans interruption, pendant trois jours, dans la chaleur du plein été, des sauveteurs et des bénévoles menèrent des recherches, se déployant en cercles concentriques de plus en plus larges à partir d’un chemin de terre en cul-de-sac qui longeait la rive droite de la Nautauga, à cinq kilomètres au nord du lac Wolf’s Head, dans la partie sud de la Réserve. Une zone située à une quinzaine de 1 1 JOYCE CAROL OATES kilomètres de Carthage, État de New York, où mes parents avaient leur maison. Une zone touchant le lac Wolf’s Head, où, vers minuit le soir précédent, des «témoins »m’avaient vue pour la dernière fois en compagnie de l’agent présumé de ma disparition. Il faisait très chaud.
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