Charles de Saint-ÉvremondŒuvres mêléesRéflexions sur nos traducteursRÉFLEXIONS SUR NOS TRADUCTEURS.(1673.)Les ouvrages de nos traducteurs sont estimés généralement de tout le monde. Cen’est pas qu’une fidélité fort exacte fasse la recommandation de notre1d’Ablancourt ; mais il faut admirer la force admirable de son expression, où il n’y ani rudesse ni obscurité. Vous n’y trouverez pas un terme à désirer, pour la nettetédu sens : rien à rejetter, rien qui nous choque, ou qui nous dégoûte. Chaque mot yest mesuré pour la justesse des périodes, sans que le style en paroisse moinsnaturel ; et cependant une syllabe de plus ou de moins, ruineroit je ne sais quelleharmonie qui plaît autant à l’oreille que celle des vers. Mais, à mon avis, il al’obligation de ces avantages au discours des anciens qui règle le sien ; car, sitôtqu’il revient de leur génie au sien propre, comme dans ses préfaces et dans seslettres, il perd la meilleure partie de toutes ces beautés ; et un auteur admirable, tantqu’il est animé de l’esprit des Grecs et des Latins, devient un écrivain médiocre,quand il n’est soutenu que de lui-même. C’est ce qui arrive à la plupart de nostraducteurs ; de quoi ils me paroissent convaincus, pour sentir les premiers leurstérilité. Et, en effet, celui qui met son mérite à faire valoir les pensées des autres,n’a pas grande confiance de pouvoir se rendre recommandable par les siennes :mais le public lui est infiniment obligé du travail qu’il se donne, ...
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