Project Gutenberg's Quelques crivains fran ais, by mile� Hennequin � �This eBook is for the use of anyone anywhere at no cost and withalmost no restrictions whatsoever. You may copy it, give it away orre-use it under the terms of the Project Gutenberg License includedwith this eBook or online at www.gutenberg.netTitle: Quelques crivains fran �ais � Flaubert, Zola, Hugo, Goncourt, Huysmans, etc.Author: mile� HennequinRelease Date: May 7, 2004 [EBook #12289]Language: FrenchCharacter set encoding: ISO-8859-1*** START OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK QUELQUES CRIVAINS� FRAN AIS ***�Produced by Tonya Allen, Wilelmina Malli re and the Online Distributed �Proofreading Team. This file was produced from images generouslymade available by the Biblioth que nationale de France (BnF/Gallica) �at http://gallica.bnf.fr.,�TUDES DE CRITIQUE SCIENTIFIQUEQUELQUES�CRIVAINS FRAN �AISFLAUBERT--ZOLA--HUGO--GONCOURTHUYSMANS, ETC.PAR�MILE HENNEQUIN1890PR�FACECes articles ont t publi s diverses �po�ques dans diverses revues, et � � �l'auteur se proposait de les revoir et de les compl ter. mile � �Hennequin, qui avait un haut degr le respect de son talent et le � �respect du livre, n'aurait certainement pas consenti former un volume �d'�tudes plus ou moins h t rog nes, qu'il n'y a pas de raison� � �p�remptoire pour r unir� sous un m me titre, et qui ne constituent pas un�ensemble comme les _ crivains francis s_. Soucieux de conserver tout ce� �qu'a produit ...
Project Gutenberg's Quelques�crivains fran�ais, by�mile Hennequin This eBook is for the use of anyone anywhere at no cost and with almost no restrictions whatsoever. You may copy it, give it away or re-use it under the terms of the Project Gutenberg License included with this eBook or online at www.gutenberg.net
Title: Quelques�crivains fran�ais Flaubert, Zola, Hugo, Goncourt, Huysmans, etc. Author:�mile Hennequin Release Date: May 7, 2004 [EBook #12289] Language: French Character set encoding: ISO-8859-1 *** START OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK QUELQUES�CRIVAINS FRAN�AIS ***
Produced by Tonya Allen, Wilelmina Malli�re and the Online Distributed Proofreading Team. This file was produced from images generously made available by the Biblioth�que nationale de France (BnF/Gallica) at http://gallica.bnf.fr.,
�TUDES DE CRITIQUE SCIENTIFIQUE QUELQUES �CRIVAINS FRAN�AIS FLAUBERT--ZOLA--HUGO--GONCOURT HUYSMANS, ETC. PAR �MILE HENNEQUIN 1890
PR�FACE Ces articles ont�t�publi�s�diverses�poques dans diverses revues, et l'auteur se proposait de les revoir et de les compl�ter.�mile Hennequin, qui avait�un haut degr�le respect de son talent et le respect du livre, n'aurait certainement pas consenti�former un volume d'�tudes plus ou moins h�t�rog�nes, qu'il n'y a pas de raison p�remptoire pour r�unir sous un m�me titre, et qui ne constituent pas un ensemble comme les�crivains francis�s . Soucieux de conserver tout ce _ _ qu'a produit ce rare esprit, nous n'avons pas cru devoir nous laisser arr�ter par les consid�rations qui l'auraient arr�t�lui-m�me, et il nous a sembl�que, prise isol�ment, chacune des�tudes que nous pr�sentons aujourd'hui offrait un assez haut int�r�t pour honorer encore
la m�moire d'�mile Hennequin et pour entretenir les regrets de ceux qui ont vu dispara�tre avec lui une des plus belles intelligences et l'un des plus purs talents de la jeune g�n�ration. L'�diteur.
GUSTAVE FLAUBERT �TUDE ANALYTIQUE
I LES MOYENS
_ _ Le style; mots, phrases, agr� style de Gustavegats de phrases. Le Flaubert excelle par des mots justes, beaux et larges, assembl�s en phrases coh�rentes, autonomes et rhythm�es. _ _ _ _ Le vocabulaire de Salammb�, de l'�ducation sentimentale , de la _ _ Tentation de saint Antoine est d�nu�de synonymes et, par suite, de r�p�titions; il abonde en s�rie de mots analogues propres�noter pr�cis�ment toutes les nuances d'une id�e,�l'analyser en l'exprimant. Flaubert conna�t les termes techniques des mati�res dont il traite; dans _ _ _ _ Salammb�et la Tentation , les langues anciennes, de l'h�breu au latin, aident�d�signer en paroles propres les objets et les�tres. Sans cesse, en des phrases o�l'on ne peut noter les expressions cherch�es et acquises, il s'efforce de dire chaque chose en une langue qui l'enserre et la contient comme un contour une figure. �cette dure pr�cision de la langue, s'ajoute en certains livres et certains passages une extraordinaire beaut�. Les paroles sollicitent les sens�tous les charmes; elles brillent comme des pigments; elles sont chatoyantes comme des gemmes, lustr�es comme des soies, ent�tantes comme des parfums, bruissantes comme des cymbales; et il en est qui, joignant �ces prestiges quelque noblesse ou un souci, figent les�motions en phrases enti�rement d�licieuses: �Les flots ti�des poussaient devant nous des perles blondes. L'ambre craquait sous nos pas. Les squelettes de baleine blanchissaient dans la crevasse des falaises. La terre�la fin se fit plus�troite qu'une sandale;--et apr�s avoir jet�vers le soleil des gouttes de l'oc�an, nous tourn�mes�droite pour revenir.� Et ailleurs: �Il y avait des jets d'eau dans les salles, des mosa�ques dans les cours, des cloisons festonn�es, mille d�licatesses d'architecture et partout un tel silence que l'on entendait le fr�lement d'une�charpe ou l'�cho d'un soupir.� Par un contraste que l'on per�oit d�j�dans ce passage, Flaubert, pr�cis et magnifique, sait user parfois d'une langue vague et chantante qui enveloppe de voiles un paysage lunaire, les inconsciences profondes d'une�me, le sens cach�d'un rite, tout myst�re entrevu et�chappant. Certaines des sc�nes d'amour o�figure Mme Arnoux, l'�num�ration des fabuleuses peuplades accourues�la prise de Carthage, le symbole des Abaddirs et les mythes de Tanit, les louches apparitions qui, au d�but de la nuit magique, susurrent�saint Antoine des phrases incitantes, la chasse brumeuse o�des b�tes invuln�rables poursuivent Julien de leurs
mufles froids, tout cet au del�est d�crit en termes grandioses et lointains, en ind�finis pluriels abstraits et approch�s qui unissent� l'insidieux des choses, la trouble incertitude de la vision. Cet ordre de mots et les autres, les plus ordinaires et les plus rares sont assembl�s en phrases par une syntaxe constamment correcte et concise. Par suite de l'une des propri�t�s de la langue de Flaubert, de n'employer par id�e qu'une expression, un seul vocable repr�sente chaque fonction grammaticale et s'unit aux autres selon ses rapports, sans appositions, sans membres de phrase intercalaires, sans ajouture m�me soud�e par un qui ou une conjonction. Chaque proposition ordinairement courte se compose des�l�ments syntactiques indispensables, est construite selon un type permanent, soutenue par une armature pr��tablie, dans laquelle s'encastrent successivement d'innombrables mots, signes d'innombrables id�es, formul�es d'une fa�on pr�cise et belle, en une diction d�finitive. Cette parit�grammaticale est le principal lien entre les oeuvres diverses de Flaubert. Sous les diff�rences de langue et de sujet, unissant des formes tant�t lyriques, _ tant�t vulgaires, les rapports de mots sont semblables de Madame _ _ _ Bovary� , et constituent des phrases analogues associla Tentation�es en deux types de p�riode. Le plus ordinaire, qui est d�termin�par la concision m�me du style, l'unicit�des mots et la consertion de la phrase, est une p�riode�un seul membre, dans laquelle la proposition pr�sentant d'un coup une vision, un�tat d'�me, une pens�e ou un fait, les pose d'une fa�on compl�te et juste, de sorte qu'elle n'a nul besoin d'�tre li�e� d'autres et subsiste d�tach�e du contexte. Ainsi de chacune des phrases suivantes: �Les Barbares, le lendemain, travers�rent une campagne toute couverte de cultures. Les m�tairies des patriciens se succ�daient sur le bord de la route; des rigoles coulaient dans des bois de palmiers; les oliviers faisaient de longues lignes vertes; des vapeurs roses flottaient dans les gorges des collines; des montagnes bleues se dressaient par derri�re. Un vent chaud soufflait. Des cam�l�ons rampaient sur les feuilles larges des cactus.� De la pr�sence chez Flaubert de cette p�riode statique et discr�te, d�coulent l'emploi habituel du pr�t�rit pour les actes et de l'imparfait pour les�tats; de l�encore l'apparence sculpturale de ses descriptions o�les aspects semblent tous immobiles et plac�s�un plan�gal comme les sections d'une frise. Ce type de p�riode alterne avec une coupe plus rare dans laquelle les propositions se succ�dent li�es. Aux endroits�clatants de ses oeuvres, dans les sc�nes douces ou superbes, quand le paragraphe lentement �chafaud�va se terminer par une id�e grandiose ou une cadence sonore, Flaubert, usant d'habitude d'un�et�initial, balan�ant pesamment ses mots, qui roulent et qui tanguent comme un navire prenant le large, pousse d'un seul jet un flux de phrases coh�rentes: �Trois fois par lune, ils faisaient monter leur lit sur la haute terrasse bordant le mur de la cour; et d'en bas on les apercevait dans les airs sans cothurnes et sans manteaux, avec les diamants de leurs doigts qui se promenaient sur les viandes, et leurs grandes boucles d'oreilles qui se penchaient entre les buires, tous forts et gras,� moiti�nus, heureux, riant et mangeant en plein azur, comme de gros requins qui s'�battent dans l'onde.� Et cette autre p�riode, dans un ton mineur�Maintenant, il l'accompagnait�la messe, il faisait le soir sa partie d'imp�riale, il s'accoutumait�la province, s'y enfon�ait;--et m�me son amour avait pris comme une douceur fun�bre, un charme assoupissant.�force d'avoir
vers�sa douleur dans ses lettres, de l'avoir m�l�e�ses lectures, promen�e dans la campagne et partout�pandue, il l'avait presque tarie; si bien que Mme Arnoux�tait pour lui comme une morte dont il s'�tonnait de ne pas conna�tre le tombeau, tant cette affection�tait devenue tranquille et r�sign�e.� En cette forme de style Flaubert s'exprime dans ses romans, quand _ _ appara�t une sc�ne ou un personnage qui l'� Salammbmeuvent; dans�et la Tentation , quand l'exaltation lyrique succ�de au r�cit. _ _ Ces deux sortes de p�riodes s'unissent enfin en paragraphes selon certaines lois rhythmiques; car la prose de Flaubert est belle de la beaut�et de la justesse des mots, de leur tenace liaison, du net�clat des images; mais elle charme encore la voix et l'oreille par l'harmonie qui r�sulte du savant dosage des temps forts et des faibles. Constitu�comme une symphonie d'un allegro , d'un andante et d'un _ _ _ _ presto , le paragraphe type de Flaubert est construit d'une s�rie de _ _ courtes phrases statiques, d'allure contenue, o�les syllabes accentu�es �galent les muettes; d'une phrase plus longue qui, gr�ce d'habitude� une�num�ration, devient compr�hensible et chantante, se tra�ne un peu en des temps faibles plus nombreux; enfin retentit la p�riode terminale dans laquelle une image grandiose est prof�r�e en termes sonores que rythment fortement des accents serr�s. Ainsi qu'on scande�haute voix, ce passage: �O�donc vas-tu? Pourquoi changer tes formes perp�tuellement? Tant�t mince et recourb�e tu glisses dans les espaces comme une gal�re sans m�ture; ou bien au milieu des�toiles tu ressembles�un pasteur qui garde son troupeau. Luisante et ronde tu fr�les la c�me des monts comme la roue d'un char.� Et cet autre passage d'une mesure plus alanguie: �Il n'�prouvait pas�ses c�t�s ce ravissement de tout son�tre qui l'emportait vers Mme Arnoux, ni le d�sordre gai o�l'avait mis d'abord Rosanette. Mais il la convoitait comme une chose anormale et difficile, parce qu'elle�tait noble, parce qu'elle�tait riche, parce qu'elle �tait d�vote,--se figurant qu'elle avait des d�licatesses de sentiment, rares comme ses dentelles, avec des amulettes sur la peau et des pudeurs dans la d�pravation.� C'est ainsi, par des expansions et des contractions altern�es, mod�rant, contenant et pr�cipitant le flux des syllabes, que Flaubert d�clame la longue musique de son oeuvre, en cadences mesur�es. Et chacun de ses groupes de br�ves et de longues est si bien pour lui une unit�discr�te et comme une strophe, qu'il r�serve, pour les clore, ses mots les plus retentissants, les images sensuelles et les artifices les plus adroits. C'est ainsi que fr�quemment,�d�faut d'un vocable nombreux, il modifie par une virgule la prononciation d'un mot indiff�rent, contraignant� l'articuler tout en longues: ��a et l�un phallus de pierre se dressait, et de grands cerfs erraient tranquillement, poussant de leurs pieds fourchus des pommes de pin, tomb�es.� Joints enfin par des transitions ou malhabiles ou concises et trouv�es, telles que peut les inventer un�crivain embarrass�du lien de ses id�es, les paragraphes se suivent en l�ches chapitres qu'agr�ge une composition ou simple et droite comme dans les r�cits�piques, ou _ _ diffuse et l�che comme dans les romans. L'�ducation sentimentale notamment, o�Flaubert t�che d'enfermer dans une s�rie lin�aire les �v�nements lointains et simultan�s de la vie passionnelle de Fr�d�ric Moreau et de tout son temps, pr�sente l'exemple d'un livre incoh�rent et
�norme. Ainsi, d'une fa�on marqu�e dans les oeuvres o�le style est plus libre des choses, moins nettement dans les romans, chaque livre de Flaubert se r�sout en chapitres dissoci�s, que constituent des paragraphes autonomes, form�s de phrases que relie seul le rhythme et qu'assimile la syntaxe. Ces�l�libres, de moins en moins ordonnments �s, ne sont assembl�s que par leur identit�formelle et par la suite du sujet, comme sont continus une mosa�que, un tissu, les cellules d'un organe, ou les atomes d'une mol�cule. _ _ Proc�d�s de d�monstration: descriptions, analyse: De m�me que l'�criture de Flaubert se d�compose finalement en une succession de phrases ind�pendantes dou�es de caract�re identiques, ainsi ses descriptions, ses portraits, ses analyses d'�mes, ses sc�nes d'ensemble se r�duisent�une�num�ration de faits qui ont de particulier d'�tre peu nombreux, significativement choisis, et plac�s bout�bout sans r�sum�qui les condense en un aspect total. _ _ La ferme du p�re Rouault, au d� Madame Bovary , puis le cheminbut de creux par o�passe la noce aux notes�gren�es d'un m�n�trier,--un canal urbain, un champs que l'on fauche dans Bouvard et P�cuchet , sont _ _ d�crits en quelques traits uniques accidentels et frappants, sans phrase g�n�rale qui d�signe l'impression vague et enti�re de ces sc�nes. Le merveilleux paysage de la for�t de Fontainebleau, dont l'idylle appara�t _ _ au milieu de l'�ducation sentimentale , est peint de m�me avec des types d'arbre, de petits sentiers, des clairi�res, des sables, des jeux de lumi�re dans des herbes; le fulgurant lever de soleil�la fin du banquet des mercenaires dans le jardin d'Hamilcar, est montr�en une suite d'effets particuliers�Carthage,�tincelles que l'astre met au fa�te des temples et aux clairs miroirs des citernes, hennissements des chevaux de Khamon, tambourins des courtisanes sonnant dans le bois de Tanit; et pour la nuit de lune o�Salammb�prof�re son hymne�la d�esse, ce sont encore les ombres des maisons puniques et l'accroupissement des�tres qui les hantent, les murmures de ses arbres et de ses flots, qui sont�num�r�s. Les portraits de Flaubert sont trac�s par ce m�me art fragmentaire. Manna�i, le d�charn�bourreau d'H�rode, la vieille nourrice au profil de b�te qui sert Salammb�, sont d�peints en traits dont le lecteur doit imaginer l'ensemble. Que l'on se rappelle toutes les physionomies modernes que le romancier a mises dans notre m�moire, les camarades de Fr�d�ric Moreau, les h�tes des Dambreux, le p�re R�gimbard imposant, furibond et sec, Arnoux, la d�licieuse h�ro�ne du livre; puis la figure de Madame Bovary , les grotesques, Rodolphe brutal et fort, les croquis _ _ des comices, le d�bonnaire aspect du mari, et les merveilleux profils de l'h�ro�ne,--toutes ces figures et ces statures sont retrac�es analytiquement, en traits et en attitudes; ainsi: �Jamais Mme Bovary ne fut aussi belle qu'�cette�poque.... Ses paupi�res semblaient taill�es tout expr�s pour ses longs regards amoureux o�la prunelle se perdait, tandis qu'un souffle fort�cartait ses narines minces et relevait le coin charnu de ses l�vres qu'ombrageait�la lumi�re un peu de duvet noir. On e�t dit qu'un artiste habile en corruptions avait dispos�sur sa nuque la torsade de ses cheveux; ils s'enroulaient en masse lourde n�gligemment et selon les hasards de l'adult�re qui les d�nouait tous les jours. Sa voix maintenant prenait des inflexions plus molles, sa taille aussi; quelque chose de subtil qui vous p�n�trait se d�gageait m�me des draperies de sa robe et de la cambrure de son pied.� Et cet art de raccourci qui surprend en chaque�tre le trait individuel et diff� une Tentation de saint Antoinerentiel, atteint dans la _ _ perfection sup�rieure; dans ce livre o�chaque apparition est d�crite en
quelque phrases concises, il n'en est pas qui ne fixe dans le souvenir une effigie distincte, dont quelques-unes--la reine de Saba, H�l�ne-Ennoia, les femmes montanistes,--sont inoubliables. Par un proc�d�analogue, fragmentaire et laborieux, Flaubert montre les �mes qui actionnent ces corps et ces visages. Usant d'une s�rie de moyens qui reviennent�indiquer un�tat d'�me momentan�de la fa�on la plus sobre et en des mots dont le lecteur doit compl�ter le sens profond, il dit tant�t un acte significatif sans l'accompagner de l'�nonc�de la d�lib�ration ant�c�dente, tant�t la mani�re particuli�re dont une sensation est per�ue en une disposition; enfin il transpose la description des sentiments durables soit en m�taphores mat�rielles, soit dans les images qui peuvent passer dans une situation donn�e par l'esprit de ses personnages. Le dessin du caract�re de Mme Bovary pr�sente tous ces proc�d�s. Par des faits, des paroles, des gestes, des actes, sont signifi�s les d�buts de son hyst�risme, son aversion pour son mari, son premier amour, les crises d�cisives et finales de sa douloureuse carri�re. Par des indications de sensations, la pl�nitude de sa joie en certains de ses rendez-vous, et encore l'�me vide et frileuse qu'elle promenait sur les plaines autour de Tostes: �Il arrivait parfois des rafales de vent, brises de la mer, qui, roulant d'un bond sur tout le plateau du pays de Caux, apportaient jusqu'au loin dans les champs une fra�cheur sal�e. Les joncs sifflaient�ras de terre et les feuilles des h�tres bruissaient en un frisson rapide, tandis que les cimes se balan�ant toujours continuaient leur grand murmure. Emma serrait son ch�le contre ses�paules et se levait.� P�n�trant davantage la sourde�closion de ses sentiments, d'incessantes m�taphores mat�rielles disent le n�ant de son existence�Tostes, son intime rage de femme laiss�e vertueuse, par le d�part de L�on et son exultation aux atteintes d'un plus m�le amant: �C'�tait la premi�re fois qu'Emma s'entendait dire ces choses; et son orgueil, comme quelqu'un qui se d�lasse dans une�tuve, s'�tirait mollement et tout entier�la chaleur de ce langage.� Et encore la contrition grave de sa premi�re douleur d'amour: �Quant au souvenir de Rodolphe, elle l'avait descendu tout au fond de son coeur; et il restait l�solennel et plus immobile qu'une momieplus de roi dans un souterrain. Une exhalaison s'�chappait de ce grand amour embaum�et qui, passant�travers tout, parfumait de tendresse l'atmosph�re d'immaculation o�elle voulait vivre.� Puis des r�cits d'imagination[1], aussi nombreux chez Flaubert que les r�cits de d�bats int�rieurs chez Stendhal, compl�tent ces comparaisons, d�voilent en Mme Bovary l'ardente mont�e de ses d�sirs, l'existence id�ale qui ternit et trouble son existence r�elle. Des hallucinations internes marquent son exaltation romanesque quand elle vit�Tostes, am�re et d��ue; de plus confuses, le d�sarroi de son esprit tandis qu'elle c�de�la f�te des comices sous les d�clarations de Rodolphe; d'autres, l'�lan de son�me lib�r�e quand elle eut obtenu de partir avec son amant; des imaginations confirment et attisent sa derni�re passion que mine sans cesse l'indignit�de son amant, et emplissent encore de terreur sa lamentable fin. De ces proc�d�s, ce sont les moins artificiels qui subsistent dans _ _ l'�ducation sentimentale ; les personnages de ce roman sont montr�s par de tr�s l�g�res indications, un mot, un accent, un sourire, une p�leur, un battement de paupi�res, qui laisse au lecteur le soin de mesurer la profondeur des affections dont on livre les menus affleurements. Les
conversations de Fr�d�ric et de Mme Arnoux, puis ce d�ner o�celle-ci, Mme Dambreuse et Mlle Roques, r�unies par hasard, entrecroisent curieusement les indices de leurs amours et de leurs soucis, montrent la perfection de ce proc�d�, qui est encore celui des oeuvres�piques, et de tout psychologue qui ne substitue pas l'analyse interne�la description par les dehors. Il faut retenir en effet combien ces proc�d�s de Flaubert conviennent aux n�cessit�s de son style. Un�nonc�de faits, une m�taphore, un r�cit d'imaginations se pr�tent parfaitement��tre con�us en termes pr�cis, _ _ color�s et rhythm�s. En fait, les plus beaux passages de Madame Bovary _ _ et de l'� ceux oducation sont�l'auteur s'exalte�montrer la pens�e de ses h�ro�nes. D�crite comme une vision, frapp�e en�clatantes figures et chant�e comme une strophe, elle donne lieu�de splendides p�riodes, o�se d�ploient tous les prestiges du style. L'art de ne r�v�ler d'un paysage, d'une physionomie et d'une�me qu'un petit nombre d'aspects saillants, cette concision choisie et savante, ressortent encore des tableaux d'ensemble o�se m�lent les p�rip�ties et _ les descriptions. Que l'on prenne la sc� Madamene des comices dans _ Bovary , les files de filles de ferme se promenant dans les pr�s, la main dans la main, et laissant derri�re elles une senteur de laitage, la myrrhe qu'exhalent les si�ges sortis de l'�glise, les physionomies grotesques ou ab�ties de la foule, l'attitude nouvelle de Homais, les passes conversationnelles o�Rodolphe conquiert la chancelante�pouse, tout est saisi en de brefs aspects particuliers, sans le narr�du train _ ordinaire qui dut accompagner ces faits d'exception. Dans l'�ducation _ sentimentale , cette contention et le choix adroit des d�tails significatifs tiennent du prodige. Une certaine phase que connaissent tous les habitu�s de travers�es, est not�e par ces simples mots:�Il se versait des petits verres�. Les courses, l'attaque singuli�re du poste du Ch�teau-d'Eau pendant les journ�es de F�vrier, qui est exactement ce qu'un passant verrait d'une�meute,--une s�ance de club, l'�l�gance et le luxueux ennui d'une r�ception chez un financier, sont d�crits de m�me en traits discontinus et marquants. Et jusqu'aux merveilleuses et poignantes entrevues de Fr�d�ric et de Mme Arnoux,�cette idylle d'Auteuil, o�, v�tue d'une robe brune et l�che, elle promenait sa gr�ce douce sous des feuillages rougeoyants,--qui sont not�es en faits indispensables et d�pourvues de toute phras�ologie inutile. Que l'on se rappelle, pour confirmer ces notions, les sc�nes exactes et comme per� Salammbues de�, ou l'extr�me concision des pr�ludes descriptifs _ _ dans la Tentation , les sobres et�clatantes phrases dans lesquelles un _ _ d�tail baroque ou raffin�r�v�le tout un temps; le festin d'H�rode, o�, dans la succession des actes, pas une page ne souligne l'�norme luxure latente des convives qu'enivre la fum�e des mets et la chaude danse de l'incestueuse ballerine; tous ces rayonnants tableaux sont peints en touches s�res et rares, qui ne montrent d'un spectacle que les fortes lumi�res et les attitudes passionnantes. _ _ Caract�res g�n�raux des moyens : Nous venons d'analyser avec une minutie qui sera justifi�e plus loin, les moyens dont use Flaubert pour susciter en ses lecteurs les�motions qui seront d�sign�es. Leur caract�re commun est ais��d�m�ler, et rarement, du style�la composition, de la description�la psychologie, des mots aux faits, un artiste a fait preuve d'une plus rigide cons�quence. Du haut en bas de son oeuvre, Flaubert est celui qui choisit avec rigueur et assemble avec effort des mat�riaux tri�s. Qu'il s'agisse de l'�lection d'un vocable, il le veut unique, pr�cis et tel que chacun ou chaque s�rie r�alise des id�aux sensuels et intellectuels nombreux. La syntaxe est correcte, sobre, liante, de fa�on�modeler des phrases presque toujours aptes�figurer isol�es. Et comme cette rigueur concise exclut de la langue de Flaubert toute superfluit�, des lacunes existent, ou le semblent, entre les unit�s derni�res de son oeuvre; les
paragraphes se suivent sans se joindre, et les livres s'�tagent sans soudure. De m�me, si l'on consid�re ses proc�d�s d'�criture par le contenu et non plus par le contenant, les faits aussi soigneusement�lus que les mots, forc�s d'ailleurs d'�tre tels qu'on les puisse exprimer dans une langue d�termin�e,--sont significatifs pour qu'ils donnent lieu�de belles phrases, et significatifs encore, parce qu'ils r�sultent d'un choix d'o� le banal est exclu. De ce triage perp�tuel des mots et des choses, r�sulte la concision puissante, la haute et difficile port�e de ce qu'exprime Flaubert; de l� ses descriptions�court�es, disjonctives et pourtant r�sumantes, sa psychologie, soit transmut�e en magnifiques images, soit r�duite en sobres indications d'actes, sous lesquelles certains esprits per�oivent ce qui est intime et d'ailleurs inexprim�; de l�le sentiment de formidable effort et d'absolue r�ussite parfois, que ces oeuvres procurent, qui, ramass�es, trapues, planies, parachev�es et polies grain �grain, ressemblent�d'�normes cubes d'un miroitant granit. NOTES: [Note 1: La signification de ce proc�d�d'analyse est excellemment d�velopp�e dans les de psychologie Essais M. Paul Bourget.] de _ _
II LES EFFETS
_ _ L'ensemble : L'oeuvre de Flaubert est double, d�partie entre le vrai et _ _ le beau. La tragique histoire de Madame Bovary raconte en sa froide exactitude la ruine d'une�me forte et irr�sign�e qu'avilit et qu'�crase _ _ la bassesse stupide de tous. L'�ducation sentimentale par conduit, l'infini d�dale des l�ches amours de Fr�d�ric Moreau, de la rubiconde infamie d'Arnoux,�la double beaut�de Marie Arnoux; ce livre apprend� mesurer les extr�mes de l'humanit�. Il est des heures o�du spectacle _ des choses s'exhale le pessimisme parfois pu�ril de et Bouvard P�cuchet , que corrige la cordiale piti�empreinte dans le premier des _ _ _ Trois Contes . Les pages qui le suivent consolent par d'augustes spectacles d'avoir vu et p�n�tr�la vie. L'irr�sistible charme de la L�gende , la s�che beaut�d' H�rodias , induisent� Salammb�o�la _ _ _ _ _ _ pourpre et les ors du style expriment, en une supr�me fanfare, l'exquis, le grandiose et le fulgurant. En l'oeuvre ma� Tentationtresse, la de _ saint Antoine , le beau et le vrai s'allient par l'all�gorie; p�n�tr�e _ de signification et d�cor�e de splendeur, cette oeuvre consigne en un dernier effort tout le testament spirituel et mystique de Gustave Flaubert. Cette ordonnance n'est point absolue. Les oeuvres o�Flaubert s'est le plus abandonn�au terne cours de la vie, sont teintes parfois d'incomparables beaut�s de style et d'�me. Il est m�me des passages dans _ _ l'�ducation sentimentale qui, dans leur tentative d'exprimer d'ind�finissables mouvements d'�mes, touchent au myst�re. Et si la _ _ _ _ _ _ beaut�rayonne dans Salammb�, la Tentation , H�rodias , la _ _ L�gende , elle y est d�finie et corrobor�e par un r�alisme historique _ _ plein de minutie. Le pessimisme qu'affirme Bouvard et P�cuchet ne ressort pas plus des tristes d�nouements des romans, que des farouches _ _ destin� Salammbes qui s'appesantissent dans�et des continus effarements avec lesquels saint Antoine contemple l'�croulement de ses erreurs. Ainsi m�l�es en des alliages o�chaque�l�ment pr�domine alternativement, les deux passions de Flaubert, la beaut�exalt�e jusqu'au myst�re, et la v�rit�suivie de pessimisme, composent les
livres que nous analysons. _ _ Le r�alisme : Le r�alisme, qu'il faut d�finir la tendance�voir dans les objets d�nu�s de beaut�mati�re�oeuvre d'art, est pouss�chez Flaubert�ses extr�mes limites, et, en fait, certains c�t�s ext�rieurs _ _ _ _ de Madame Bovary et de l'�ducation n'ont pas�t�d�pass�s par les romanciers modernes. Flaubert s'est astreint�d�crire de niaises campagnes, comme les environs d'Yonville, ou les plates rives de la Seine entre lesquelles se passe le d�but de son second roman. Des int�rieurs sordides apparaissent dans ses livres, de la cahute pr�s d'Yonville, o�Mme Bovary trouva l'entremetteuse de ses liaisons,�la mansarde dans laquelle Dussardier bless�fut soign�par cette �nigmatique personne, la Vatnaz. Mais la m�diocrit�attire Flaubert davantage. Il excelle�peindre en leur ironique d�n�ment de toute beaut�, certains int�rieurs bourgeois, d�cor�s de lithographies, planch�i�s, frott�s et balay�s. Certaines hideurs modernes le requi�rent. Il s'adonne�rendre minutieusement le ridicule des f�tes agr�ables aux populations, comme les comices d'Yonville et les solennit�s publiques de la capitale. Tout ce qui forme le contentement de la classe moyenne, les gros d�jeuners de gar�ons, les s�ances au caf�, les parties fines pour des villageois dans la ville proche, la ma�tresse chichement entretenue, les cadeaux que M. Homais rapporte�sa famille, sa gloriole de p�re infatu�, le bonnet grec, la politique, les joies solitaires en un m�tier d'agr�ment, sont complaisamment d�crits. Et de m�me, plus haut, les aimables fourberies de M. Arnoux riche, la religion du chic dont est imbu le jeune de Cisy, les plaisirs mondains de Mme Dambreuse et les galanteries maquignonnes de son premier amant, sont d�taill�s avec une insistance dont l'ironie n'exclut pas toute exactitude. Les�tres de ce milieu sont des�mes journali�res et ordinaires, toute la moyennet�des fonctions sociales, le pharmacien, l'officier de sant�, le notaire, le banquier, l'industriel d'art, le r�p�titeur de droit, l'habitu�d'estaminets, et les femmes de ces gens. D�crits, analys�s, mis en sc�ne, avec une moquerie tacite, mais aussi avec la p�n�tration adroite d'un connaisseur d'hommes, ils donnent de la vie et de la soci�t�une image au demeurant exacte pour une bonne part de ce si�cle. Que l'on joigne�cette m�diocrit�des lieux et des gens, le mince int�r�t des aventures, un adult�re diminu�de tout l'ennui de la province, la vie campagnarde de deux vieux employ�s, l'existence sociale de quelques familles moyennes�Paris, que traverse le d�soeuvrement d'un jeune homme nul, on reconna�tra dans les romans de Flaubert, tous les traits essentiels de l'esth�tique r�aliste. Il en poss�de la v�racit�. S'effor�ant sans cesse de rendre exactement du spectacle des choses ce que ses sens en ont per�u, il arrive, quand il s'efforce de d�m�des actes et les phases desler les mobiles passions,�une extraordinaire p�n�tration, qui est le r�sultat de sa connaissance des mod�les qu'il a pris, et de son application�rester dans le domaine du naturel et de l'explicable. Sa science des causes qui produisent les grands traits du caract�re est merveilleuse, comme le montrent les ant�c�dents parfaitement calcul�s d'Emma et de Charles Bovary, la vague adolescence de Fr�d�ric Moreau. Puis ces caract�res jet�s dans l'existence, soumis�ses heurts et consommant leurs r�cr�ations,�voluent au gr�des�v�nements et de leur nature, avec toute l'unit�et les incons�quences de la vie v�ritable, tant�t nobles, d��us et victimes comme Mme Bovary, tant�t perp�tuant�travers des fortunes diverses leur permanente impuissance comme Fr�d�ric Moreau, tant�t sages et victorieux comme Mme Arnoux. Et dans ces existences; dont les menus faits d�c�lent perp�tuellement en Flaubert une si profonde perception des mobiles, de leur complication, de la dissimulation des plus puissants, de toute la vie inconsciente qui rend chacun diff�rent de ce qu'il se croit et de ce qu'on le croit�tre, Flaubert est parvenu�distinguer et�rendre le trait le plus difficile: la lente transformation que le temps impose�ceux qu'il d�truit. Seul, avec les plus grands des psychologues russes, il saisit
les personnes successives qui apparaissent tour�tour au-dehors et au dedans de chaque individu. Que l'on observe combien Mme Bovary est parfaitement, aux premiers chapitres, la jeune femme soucieuse d'int�rieur et reconnaissante de l'ind�pendance que le mariage lui assure; puis l'inqui�tude croissante de toute sa personne ardemment vitale, et son chaste amour pour un jeune homme fr�quentant sa maison, pr�lude coutumier des adult�res plus consomm�s. Et combien est nouvelle celle qui se livre avec une gr�ce presque m�re�son aim�, et comme on la sent,�travers ses cris de jeune ma�tresse, la femme de maison,�tre d�j�responsable et d�nu�d'enfantillages. Puis les�preuves viennent, sa chair se durcit en de plus fermes contours et, par le revirement habituel, il lui faut un plus jeune amant, pour lequel elle est en effet la ma�tresse, la femme chez qui de despotiques ardeurs pr�c�dent les attitudes maternelles, que coupent encore les coups de folie d'une cr�ature sentant le temps et la joie lui�chapper, jusqu'�ce qu'elle consomme virilement un suicide, en femme forte et faite, qui sentit les romances sentimentales des premiers ans se taire sous les rudes atteintes d'une existence sans piti�. On pourrait retracer de m�me les lentes phases du caract�re de Fr�d�ric Moreau et de Mme Arnoux, qui tous deux�prouvent aussi l'humiliation de se sentir transform�s par le passage des jours, p�tris et mall�ables au cours des passions et des incidents. Le souci du vrai et la r�ussite�le rendre que montrent la psychologie et les descriptions r�alistes de Flaubert, le suivent dans ses oeuvres d'imagination. Quand cet homme, qu'exc�de visiblement le spectacle du monde moderne, s'adonne�l'�vocation d'�poques que son esprit apercevait�clatantes et grandioses, il ne peut d�pouiller son r�alisme et se sent imp�rieusement forc�d'�tayer sa fantaisie du positif des donn�es arch�ologiques. Avant d'entreprendre Salammb�, il explore le _ _ site de Carthage, note le bleu de son ciel et la configuration de son territoire. Puis, remuant les biblioth�ques, s'�tant assimil�le peu que l'on sait sur la m�tropole punique, incertain encore et connaissant le besoin d'amplifier son recueil de faits, il recourt par surcro�t� l'arch�ologie biblique et s�mitique, s'emplit encore la cervelle de tout ce que les litt�ratures classiques contiennent de farouche et de fruste. Pour la Tentation de saint Antoine , de m�me, pas une ligne dans cette _ _ s�rie d'hallucinations qui n'e�t pu donner lieu�un renvoi en italiques. �Je suis perdu dans les religions de la Perse,�crit-il dans sa correspondance, je t�che de me faire une id�e nette du dieu Hom, ce qui n'est pas facile. J'ai pass�tout le mois de juin��tudier le bouddhisme, sur lequel j'avais d�j�beaucoup de notes, mais j'ai voulu �puiser la mati�re autant que possible. Aussi ai-je un petit Bouddha que je crois aimable.� Et pour l'extravagant final de ce livre: �Dans la journ�e, je m'amuse�feuilleter des belluaires du moyen�ge;� chercher dans les�auteurs�ce qu'il y a de plus baroque comme animaux. Je suis au milieu des monstres fantastiques. Quand j'aurai�peu pr�s �puis�la mati�re, j'irai au Mus�um r�vasser devant les monstres r�els, et puis les recherches pour le bon saint Antoine seront finies.� Enfin, M. Maxime du Camp nous dit que pour ce pur conte, la L�gende de _ saint Julien l'hospitalier , il a pr�t��Flaubert toute une collection _ de trait�s de v�nerie et d'armurerie. Que l'on rapproche ces lectures de _ _ _ _ celles qu'il fit pour� et Pcrire Bouvard� l'cuchet ou�ducation . Le proc�d�appara�tra le m�me. Avant de laisser enfanter son imagination, de pr�ter�sa puissance verbale de beaux th�mes�phrases magnifiques, Flaubert avait rempli sa m�moire de l'infinit�de faits que r�clamait son style particulier, disconnexe et concis, et que son r�alisme le poussait�rechercher aussi v�ridiques que peuvent les fournir les
livres. Avant d'avoir�crit un paragraphe de ses oeuvres�piques ou lyriques, il connaissait d'un Carthaginois, l'habillement, l'armure, la demeure, le luxe, la nourriture; ses f�tes, ses rites, sa politique, les institutions de sa ville, les alliances, les peuplades ennemies, les hasards de son histoire et la l�gende de son origine. Et quand il lui fallut, en quelques pages, mettre debout l'ancienne Byzance, Babylone sous Nabuchodonosor,�voquer les dieux et les monstres, il composa en sa cervelle ces visions de donn�es aussi exactes et d'aussi minutieux renseignements que ceux pour les chasses de Julien, et celles-ci que les notes par lesquelles il d�crivait un bal chez un banquier ou une noce au village. Cet art r�aliste�tay�de faits et d'o�l'imagination est presqu'exclue, atteint, par l�, selon le voeu d'une de ses lettres��la majest�de la loi et�la pr�cision de la science�. L'oeuvre con�ue comme l'int�gration d'une s�rie de notes prises au cours de la vie ou dans des livres, n'ayant en somme de l'auteur que le choix entre ces faits et la recherche de certaines formes verbales, poss�de l'impassible froideur d'une constatation et ne d�c�le des passions de son auteur que de rares acc�s. Elle est, comme un livre de science, un recueil d'observations,--ou, comme un livre d'histoire, un recueil de traditions, bien diff�rente de tous les romans d'id�alistes que composent une s�rie d'effusions au public�propos de motifs ordinaires ou de faits clairsem�s. Masqu�par une esth�tique qui consiste�montrer de la vie une image et non pas une impression, l'�crivain garde en lui ses opinions et ses haines, ne fournissant qu'�l'analyse de l�gers mais suffisants indices. Pessimisme : Il est manifeste pour quiconque conserve l'arri�re-go�t de _ _ ses lectures, que les romans de Flaubert tendent�donner de la vie un sentiment d'am�re d�rision. Sur la stupidit�et la m�chancet�de certains�tres, sur l'inconsciente grossi�ret�d'autres, sur l'injustice ironique de la destin�e, sur l'inutilit�de tout effort, la muette et formidable insouciance des lois naturelles, Flaubert ne tarit pas en dissimul�Certains personnages, Homais, mieux encore les sarcasmes. _ _ formidable Regimbart de l'�ducation , exposent toute la platitude humaine, fol�tre ou grognonne, en des individuations si compl�tes qu'elles peuvent�tre�rig�es en types. D'autres, pris, semble-t-il, avec une particuli�re conscience, au plein milieu de l'humanit� courante, Charles Bovary, cet�tre essentiellement m�diocre et chez qui une bont�molle ajoute�l'insupportable pesanteur morale,--Jacques Arnoux, plus canaille et plus r�joui, mais non moins irresponsable, b�at, et odieux, traduisent tout ce que le type humain social de la moyenne contient de lourde bassesse et de ha�ssable laisser-aller. Et ces�tres qui pr�sentent�la vie la carapace de leur stupidit�, rubiconds et point m�chants, oppriment, gr�ce�d'obsc�nes accouplements, ces admirables femmes, Mme Bovary, sup�rieure par la volont�, Mme Arnoux sup�rieure par les sentiments, qui, avilies ou contenues, subissent le long martyre d'une vie de tous c�t�s cruellement ferm�e. Qu'elles se d�battent, l'une entre une tourbe de niais et avide de trouver une�me assonante�la sienne, elle prostitue son corps et ses cris�de bas goujat et meurt abandonn�e de tous par le fier refus de l'indulgence de celui qui la fit la femme d'un imb�cile; que l'autre, plus intimement malheureuse, froiss�e sans cesse par le choquant contact d'un rustre, renon�ant en un pudique et sage pressentiment,�l'amour probablement ch�tif d'un jeune homme�de toutes les faiblesses�, insult�e par les filles, ha�e de son enfant, et finissant en une hautaine indulgence par faire�son mari l'aum�ne de soins d�licats,--toutes deux mesurent l'amertume de la vie, hostile aux nobles, et paient la peine de n'�tre pas telles que ceux qui les coudoient. Et la vie passe sur elles; de petits incidents ont lieu: la b�tise d'une r�publique succ�de�la niaiserie d'une royaut�; quelques ann�es de vie de province s'�coulent en vides propos et minces occurrences; des entreprises sont tent�es aupr�s d'elles, r�ussissent ou