Victoire de la constance

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François de Malherbe
Œuvres de Malherbe
ieL. Hachette et C , 1862 (Tome premier, pp. 28-31).
Enfin ceste beauté m’a la place renduë,
Que d’un siege si long elle avoit defenduë :
Mes vainqueurs sont vaincus; ceux qui m’ont fait la loy
La reçoivent de ...
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François de Malherbe Œuvres de Malherbe ie L. Hachette et C, 1862(Tome premier, pp. 28-31).
Enfin ceste beauté m’a la place renduë, Que d’un siege si long elle avoit defenduë : Mes vainqueurs sont vaincus; ceux qui m’ont fait la loy  Lareçoivent de moy.
J’honore tant la palme acquise en cette guerre Que si, victorieux des deux bouts de la terre J’avois mille lauriers de ma gloire tesmoins,  Jeles priserois moins.
Au repos où je suis tout ce qui me travaille, C’est la doute que j’ay qu’un malheur ne m’assaille, Qui me separe d’elle, et me face lascher  Unbien que j’ay si cher.
Il n’est rien icy-bas d’éternelle durée;
Une chose qui plaist n'est jamais asseurée; L'espine suit la rose, et ceux qui sont contens  Nele sont pas long-temps.
Et puis qui ne sçait point que la mer amoureuse En sa bonace mesme est souvent dangereuse, Et qu'on y voit tousjours quelques nouveaux rochers,  Inconnusaux nochers ?
Desja de toutes parts tout le monde m'esclaire; Et bien tost les jaloux ennuyez de se taire, Si les veux que je fais n'en destournent l'assaut,  Vontmesdire tout haut.
Peuple qui me veux mal, et m'impute à vice D'avoir esté payé d'un fidelle service, Où trouves-tu qu'il faille avoir semé son bien,  Etne recueillir rien ?
Voudrois-tu que madame, estant si bien servie, Refusast le plaisir où l'âge la convie, Et qu'elle eust des rigueurs à qui mon amitié  Nesceust faire pitié ?
Ces vieux contes d'honneur, invisibles chimeres, Qui naissent aux cerveaux des maris et des meres, Estoient-
ce impressions qui peussent aveugler  Unjugement si cler ?
Non, non, elle a bien fait de m'estre favorable, Voyant mon feu si grand et ma foy si durable, Et j'ay bien fait aussi d'asservir ma raison  Ensi belle prison.
C'est peu d'experience à conduire sa vie, De mesurer son aise au compas de l'envie, Et perdre ce que l'âge a de fleur et de fruit  Pouréviter un bruit.
De moy, que tout le monde à me nuire s'appreste, Le Ciel à tous ses traicts face un but de ma teste : Je me suis résolu d'attendre le trepas,  Etne la quitter pas.
Plus j'y voy de hazard, plus j'y trouve d'amorce; Où le danger est grand, c'est là que je m'efforce : En un sujet aisé moins de peine apportant,  Jene brusle pas tant.
Un courage eslevé toute peine surmonte : Les timides conseils n'ont rien que de la honte, Et le front d'un guerrier aux combas estonné  Jamaisn'est couronné.
Soit la fin de mes jours contrainte ou naturelle, S'il plaist à mes destins que je meure pour elle, Amour en soit loué, je ne veux un tombeau  Plusheureux ny plus beau.
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