Théophile Gautier — Émaux et CaméesVariations sur le Carnaval de VeniseSommaire1 I — Dans la Rue2 II — Sur les Lagunes3 III — Carnaval4 IV — Clair de lune sentimentalI — Dans la RueIl est un vieil air populairePar tous les violons raclé,Aux abois des chiens en colèrePar tous les orgues nasillé.Les tabatières à musiqueL’ont sur leur répertoire inscrit ;Pour les serins il est classique,Et ma grand mère, enfant, l’apprit.Sur cet air, pistons, clarinettes,Dans les bals aux poudreux berceaux,Font sauter commis et grisettes,Et de leurs nids fuir les oiseaux.La guinguette, sous sa tonnelleDe houblon et de chèvrefeuil,Fête, en braillant la ritournelle,Le gai dimanche et l’argenteuil.L’aveugle au basson qui pleurnicheL’écorche en se trompant de doigts ;La sébile aux dents, son canichePrès de lui le grogne à mi-voix.Et les petits guitaristes,Maigres sous leurs minces tartans,Le glapissent de leurs voix tristesAux tables des cafés chantants.Paganini, le fantastique,Un soir, comme avec un crochet,A ramassé le thème antiqueDu bout de son divin archet,Et, brodant la gaze fanéeQue l’oripeau rougit encor,Fait sur la phrase dédaignéeCourir ses arabesques d’or.II — Sur les LagunesTra la, tra la, la, la, la laire !Qui ne connaît pas ce motif ?À nos mamans il a su plaire,Tendre et gai, moqueur et plaintif :L’air du Carnaval de Venise,Sur les canaux jadis chantéEt qu’un soupir de folle briseDans le ballet a transporté !Il me semble, quand on ...
Voir