Soleil couchant (Louisa Siefert)

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Louisa Siefert — Rayons perdusSolitudeSOLEIL COUCHANTCar ils savent qu'ils vont au rivage éternel.Sainte-Beuve.Chancelants & courbés sous le poids des années,Par l'ouragan d'hiver plantes déracinées,Ils sont vieux tous les deux. L'un près de l'autre assisIls écoutent au loin des chansons & des rondes,Et regardent sauter des ...
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Louisa SiefertRayons perdus Solitude
SOLEIL COUCHANT
Car ils savent qu'ils vont au rivage éternel. Sainte-Beuve.
Chancelants & courbés sous le poids des années, Par l'ouragan d'hiver plantes déracinées, Ils sont vieux tous les deux. L'un près de l'autre assis Ils écoutent au loin des chansons & des rondes, Et regardent sauter des fraîches têtes blondes Sur les grands tas de foin par le soleil roussis. Les enfants sont en joie & la nature en fête. Baignés d'ombre à leurs pieds, de rayons à leur faîte, Les arbres du verger contemplent, eux aussi, Ces générations nouvellement écloses,
Et calculent tout bas combien de lèvres roses Ils ont entendu rire ainsi.
Ah ! le temps s'en va vite en son cours monotone ! Voici bientôt venir le cinquantième automne, Le jour anniversaire où jadis ces époux Se sont promis de vivre & de mourir ensemble. Elle était svelte alors ainsi qu'un jeune tremble, Lui rieur, éloquent, à la fois fier & doux. Ils sont seuls maintenant à se donner encore Les noms de leur jeunesse (ô vieux reflet d'aurore !), A se remémorer les faits des temps passés, Disant : « T'en souvient-il ? » ou bien : « Je me rappelle…» Car tous ceux qu'ils aimaient & que leur voix appelle Se sont peu à peu dispersés.
Hélas ! & chaque ride à leur tempe imprimée Est comme le tombeau d'une mémoire aimée. Mères, parents, amis, par la mort emportés, Sont tombés autour d'eux. Comme aux forêts prochaines Reste parfois debout un seul groupe de chênes Surgissant au milieu des troncs décapités, Ou bien comme l'on voit au soir d'une bataille Deux compagnons, portant au sein plus d'une entaille,
S'appuyer l'un sur l'autre & s'entre-soutenir, Ils attendent, exempts de crainte & de murmure, De descendre au caveau que l'Éternité mure Pour le sommeil sans souvenir.
Car ils ont maintenant tous les deux conscience, Elle, par sa tendresse, & lui, par sa science, D'avoir accompli l'œuvre où Dieu les appelait. Et les fils de leurs fils, les filles de leurs filles, Fondant pour le Seigneur de nouvelles familles Dont les fronts inégaux forment un chapelet Où la perle sans tache est d'une autre suivie, S'avancent à leur tour au chemin de la vie. Les vieux peuvent partir calmes & triomphants : Leur nom, qu'à cause d'eux toute la contrée aime, Est porté dignement & le sera de même Par les enfants de leurs enfants.
C'est une chose auguste & vraiment solennelle De voir ces vieillards blancs de la neige éternelle
Garder encor leur doux sourire d'autrefois. On dirait le rayon de pourpre lumineuse Que le soleil couchant de l'automne vineuse Jette aux glaciers sereins sous leurs cieux déjà froids.
L'amour, qui les unit voici cinquante années, Avec la chaste odeur qu'ont les roses fanées, S'exhale de leur cœur comme un souffle enchanté ; Et la foi, qui soutint leurs âmes éprouvées, Qui raffermit leurs mains vers le Seigneur levées, Les baigne d'immortalité.
Graves des maux soufferts & des peines passées, Confondant leurs regards, leurs soupirs, leurs pensées, Tels ils sont à présent, tels ils furent toujours. Leur jeunesse de cœur survit à la tempête Qui fait trembler leurs pas ou s'incliner leur tête ; Et si le temps n'a plus que des moments bien courts A leur prêter encor, comme dans la vallée D'un feu d'herbes des champs monte une flamme ailée Qui jette au vent du soir un parfum pour adieu, Lorsque l'heure viendra de leurs deux agonies, Ils s'en iront ensemble, âmes toujours unies,
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