Victor Hugo — Les Rayons et les ombresSagesse XLIV à Mademoiselle Louise B. I -- Ainsi donc rien de grand, rien de saint, rien de pur, Rien qui soit digne, ô ciel ! de ton regret d'azur ! Rien qui puisse anoblir le vil siècle où nous sommes, Ne sortira du coeur de l'homme enfant des hommes ! Homme ! esprit enfoui sous les besoins du corps ! Ainsi, jouir ; descendre à tâtons chez les morts ; Être à tout ce qui rampe, à tout ce qui s'envole, À l'intérêt sordide, à la vanité folle ; Ne rien savoir - qu'emplir, sans souci du devoir, Une charte de mots ou d'écus un comptoir ; Ne jamais regarder les voûtes étoilées ; Rire du dévouement et des vertus voilées ; Voilà ta vie, hélas ! et tu n'as, nuit et jour, Pour espoir et pour but, pour culte et pour amour, Qu'une immonde monnaie aux carrefours traînée Et qui te laisse aux mains sa rouille empoissonnée ! Et tu ne comprends pas que ton destin, à toi, C'est de penser ! c'est d'être un mage et d'être un roi ; C'est d'être un alchimiste alimentant la flamme Sous ce sombre alambic que tu nommes ton âme, Et de faire passer par ce creuset de feu La nature et le monde, et d'en extraire Dieu ! II Comme je m'écriais ainsi, vous m'entendîtes ; Et vous, dont l'âme brille en tout ce que vous dites, Vous tournâtes alors vers moi paisiblement Votre sourire triste, ineffable et calmant : -- L'humanité se lève, elle chancelle encore, ...
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