Victor Hugo — Odes et BalladesQuiberonIPar ses propres fureurs le Maudit se dévoile ;Dans le démon vainqueur on voit l'ange proscrit ;L'anathème éternel, qui poursuit son étoile,Dans ses succès même est écrit.Il est, lorsque des cieux nous oublions la voie,Des jours, que Dieu sans doute envoiePour nous rappeler les enfers ;Jours sanglants qui, voués au triomphe du crime,Comme d'affreux rayons échappés de l'abîme,Apparaissent sur l'univers.Poëtes qui toujours, loin du siècle où nous sommes,Chantres des pleurs sans fin et des maux mérités,Cherchez des attentats tels que la voix des hommesN'en ait point encor racontés,Si quelqu'un vient à vous vantant la jeune France,Nos exploits, notre tolérance,Et nos temps féconds en bienfaits,Soyez contents ; lisez nos récentes histoires,Evoquez nos vertus, interrogez nos gloires :Vous pourrez choisir des forfaits !Moi, je n'ai point reçu de la Muse funèbreVotre lyre de bronze, ô chantres des remords !Mais je voudrais flétrir les bourreaux qu'on célèbre,Et venger la cause des morts.Je voudrais, un moment, troublant l'impur Génie.Arrêter sa gloire impunieQu'on pousse à l'immortalité ;Comme autrefois un grec, malgré les vents rapides,Seul, retint de ses bras, de ses dents intrépides,L'esquif sur les mers emporté !IIQuiberon vit jadis, sur son bord solitaire,Des français assaillis s'apprêter à mourir,Puis, devant les deux chefs, l'airain fumant se taire,Et les rangs désarmés s'ouvrir.Pour sauver ses ...
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