André de Guerne — Les Siècles morts
L’ORIENT CHRÉTIEN
Pan
Glissant des monts prochains, l’aube blanchit à peine
Les toits du monastère, assoupi dans la plaine.
La cité sainte est close, obscure, et la croix d’or
Sur le portail massif ne reluit pas encor,
Que déjà du matin la cloche avant-courrière
Sème dans l’air pieux l’appel de la prière.
Et soudain, réveillant de leurs pas réguliers
L’ombre et la solitude austère, par milliers,
Tels qu’un troupeau muet viennent les cénobites.
Pleine de feux épars et de clartés subites,
Dans le cercle embrasé de cent lampes, qui font
Comme un chemin astral du parvis jusqu’au fond,
L’église s’ouvre. En blocs de pierre grise, énorme,
Rectangulaire, elle a la gigantesque forme
D’une très-glorieuse et vénérable croix.
L’éclat du pavement réfléchit les parois
Où l'émail inégal des vastes mosaïques
Étire vaguement des profils ascétiques
Et fait autour des fronts rasés, de nimbes ceints.
Flotter des papyrus avec des noms de saints,
Et des archanges blancs, en de rigides stoles,
Allonger leurs buccins au fond des cinq coupoles.
L’encens religieux fumant sur les charbons
Tord sa spirale bleue au pied des deux ambons ;
Et seul, près de l’autel, en sa chaise plus haute,
Abbâ Sarapamôn regarde.
Côte à côte,
Les moines dans l’église ont courbé les genoux
Et la tête, et, frappant leur poitrine à grands coups.
A voix lente, selon la règle de Pakhôme,
Récité l’oraison et murmuré le psaume
Et sourdement ...
Voir