Œuvres de Chapelle et de Bachaumont Ode sur l’hiver Chapelle
ODE SUR L’HIVER.
La campagne a changé de face ; La neige couvre les guérets, Et les arbres de nos forêts Tremblent sous sa pesante masse. Les peuples des fleuves glacés Dans le cristal sont enchâssés ; Et, parmi la terre déserte, Les animaux sans mouvement, Après la faim qu’ils ont soufferte, Se refont un nouveau tourment, Et, tristes, regrettent la perte Des jours de l’automne charmant.
Si parfois le soleil se montre Et nous paroît étinceler, Ses rayons d’or semblent geler Ce qui sous leurs feux se rencontre. Tout l’air se distille en glaçons, Et, jusqu’au coin de nos tisons, Il répand une âpre froidure ; Les plantes en sont à mourir ; Et, si l’agréable verdure Ne vient bientôt les secourir, On craint que toute la nature Ne soit sur le point de périr.
Pour adoucir un peu la peine Où nous tient ce temps rigoureux, Nous buvons d’un vin savoureux Soir et matin à tasse pleine. Les repas sont fournis de mets Meilleurs qu’on n’en servit jamais Aux tables les plus délicates. On garnit les appartements De doubles châssis et de nattes ; Et, les grands foyers s’allumants, On sacrifie aux dieux pénates Des victimes à tous moments.