Les Jeunes SouffrancesHeinrich Heine(1816 - 1821)V I S I O N S1J’ai rêvé autrefois d’indomptables amours, de chevelures bouclées, de martes etde résédas, de lèvres exquises et de mots amers, de lieder sombres aux sombresmélodies.Il y a longtemps que ces rêves ont pâli et se sont évanouis, et que la plus chère demes visions s’est évanouie elle aussi. Il ne m’est demeuré que les stancesaffaiblies où j’avais exhalé mes sauvages ardeurs.Lieder orphelins, je vous ai conservés ! Et maintenant évanouissez-vous aussi !allez rejoindre la vision qui s’est depuis longtemps évanouie et saluez-la pour moiquand vous l’aurez trouvée : — à l’ombre aérienne j’envoie un souffle aérien.2Un rêve, à coup sûr bien étrange, m’a tout ensemble charmé et rempli d’effroi.Mainte image lugubre flotte encore devant mes yeux et fait tressaillir mon cœur.C’était un jardin merveilleux de beauté ! je voulais m’y promener gaîment. Tant debelle fleurs m’y regardaient, à mon tour, je les regardais avec joie.Des oiseaux gazouillaient de tendres mélodies. Un soleil rouge rayonnait sur unfond d’or, et colorait la pelouse diaprée.Des souffles parfumés s’élevaient des herbes. L’air était doux et caressant ! et toutéclatait, tout souriait, tout m’invitait à jouir de cette magnificence.Au milieu de la pelouse, il y avait une claire fontaine de marbre. — Là je vis une joliefille qui lavait un blanc vêtement.Des joues mignonnes, des yeux bleus, une image de sainte aux blonds cheveuxbouclés ...
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