Les deux musesHenri BlazeRevue des Deux Mondes T.11, 1837Les Deux MusesC’est pour moi que les arts façonnent la matière,Que Dieu met ses trésors au fond des élémens ;Pour moi, fille du ciel, que l’esprit de la terreTaille l’or précieux, et jette la lumièreComme une passion au cœur des diamans ;Pour moi que tout rayonne et fleurit et murmure ;Pour moi que, dans le sein de chaque créature,Brûle l’encens sacré de l’admiration,Que l’aubépine tremble aux tiges du buisson ;Pour moi que le soleil dore la gerbe mûre.Je suis reine du monde, et, partout où je vais,La multitude en chœur chante et me glorifie ;Partout on me recherche, on m’aime, on me convie ;Les rois me font asseoir près d’eux, dans leurs palais ;Et tandis que les fruits les plus beaux de la vieSe détachent de l’arbre et tombent à mes pieds,Tous les blonds jeunes gens, dans les nouveaux sentiers,Murmurent près de moi : « Tu nous étais connue,Chaste fille du ciel, bien avant ta venue ;Les fleuves, la rosée et la brise en émoi,Nous avaient déjà dit quelque chose de toi. »Comme un bon ouvrier qui s’épuise à la peine,Unit dans un tissu tous les fils du rouet ;Ainsi, moi, travailleuse à la puissante haleine,J’assemble tous les sons et les mêle à souhait.Et ma sœur, la Nature, auguste filandière,M’encourage au travail sans cesse, et du plus loinQu’elle voit le printemps accourir sur la terre,Songe à me tenir prêts les fils dont j’ai besoin.Tantôt c’est un rayon de soleil qu’elle ...
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