Théodore de Banville — Les CariatidesCEUX QUI MEURENT ET CEUX QUI COMBATTENTIIILes Deux frères Patientez encor pour une autre folie.Les temps sont si mauvais, que pour son pauvre amantLa Muse n’a gardé que sa mélancolie.Donc naguères vivaient, sous l’azur d’Italie,Deux frères de Toscane au langage charmant,Qui n’avaient qu’eux au monde et s’aimaient saintement.Deux lutteurs aguerris, formidables athlètesJetés dans le champ clos de la société,Deux nobles parias, en un mot deux poètes,Fouillant dans la nature avec avidité.Mêlant tout, leurs douleurs stériles et leurs fêtes,Ils se cachaient ainsi, l’un sous l’autre abrité.Oui, frères en effet ! J’ai dit qu’ils étaient frères :Je ne sais s’ils avaient sucé le même laitOu s’ils s’étaient pendus aux gorges de deux mères,Mais ils craignaient de même et la honte et le laid.Tous deux comme un bonheur s’étaient pris au colletPour s’être rencontrés le soir aux réverbères.Ils s’appelaient César et Sténio. Ce pointÉclairci, leurs passés faut-il que je les dise ?Le plus âgé des deux c’était César. La biseAvait connu longtemps les trous de son pourpoint,Comme la pauvreté son lit. De Cidalise,Ayant aimé trop tôt, je pense, il n’en eut point.Au fait, son existence avait été bizarre,Car il était né bon dans un siècle de fer.Rêveur dépaysé dont la folle guitareCâlinait le passant pour lui dire un vieil air,Le monde l’accabla de sa rigueur avare,Et le fit, de son ciel, rouler dans un enfer.Tout enfant, il ...
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