Victor Hugo — Les Chansons des rues et des boisLe Chêne du parc détruit I Le chêne du parc détruit I Ne me plains pas, me dit l'arbre, Autrefois, autour de moi, C'est vrai, tout était de marbre, Le palais comme le roi. Je voyais la splendeur fière Des frontons pleins de Césars, Et de grands chevaux de pierre Qui se cabraient sous des chars. J'apercevais des Hercules, Des Hébés et des Psychés, Dans les vagues crépuscules Que font les rameaux penchés. Je voyais jouer la reine ; J'entendais les hallalis ; Comme grand seigneur et chêne, J'étais de tous les Marlys. Je voyais l'alcôve auguste Où le dauphin s'accomplit, Leurs majestés jusqu'au buste, Lauzun caché sous le lit. J'ai vu les nobles broussailles ; J'étais du royal jardin ; J'ai vu Lachaise à Versailles Comme Satan dans Éden. Une grille verrouillée, Duègne de fer, me gardait ; Car la campagne est souillée Par le boeuf et le baudet, L'agriculture est abjecte, L'herbe est vile, et vous saurez Qu'un arbre qui se respecte Tient à distance les prés. Ainsi parlait sous mes voûtes Le bon goût, sobre et direct, J'étais loin des grandes routes Où va le peuple, incorrect. Le goût fermait ma clôture ; Car c'est pour lui l'A B C Que, dans l'art et la nature, Tout soit derrière un fossé. II J'ai vu les coeurs peu rebelles, Les grands guerriers tourtereaux, Ce qu'on appelait les belles, Ce qu'on nommait les héros. ...
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