Victor de Laprade — Odes et poèmesLa Coupe Amis, le temps brumeux fait les songeurs moroses !Tout exhale l'ennui, ce soir, même ces roses ;Des yeux les plus aimés le sourire a pâli ;Nos pensers de ce ciel ont pris la morne teinte...Biais venez ! Dans le vin cherchons la verve éteinte,Et la joie, et l'espoir, compagnons de l'oubli,Une âme est dans le vin ! un dieu d'humeur charmanteRemplit de son esprit cette pourpre écumante ;Lui-même a teint la grappe avec son doigt vermeil ;Au feu de ses rayons toute ombre s'évapore ;Le vin, c'est sa lumière et sa chaleur ; l'amphoreCache en ses flancs obscurs des gouttes de soleil.Toi, par qui, d'une lèvre où le rire étincelle,La chanson radieuse à plus grands flots ruisselle ;Toi, dont ma coupe pleine atteste le pouvoir,Je t'ai vu, le carquois sonnant sur tes épaules,Descendre, ô dieu joyeux, sur nos coteaux des Gaules,Et tes cheveux flotter, et les rubis pleuvoir !Comme sous le baiser frémit un sein d'amante,Sous tes yeux printaniers la terre au loin fermente ;Les féconds éléments s'y combinent entre eux ;La flamme du silex, les pleurs de la roséeSe mêlent dans le cep ; et la sève embraséeA gonflé les bourgeons d'un esprit généreux.Bientôt la jeune vigne au vieil orme s'enlace ;Le pampre offre aux amours, sous son ombre, une place,Près du Faune enivré la Nymphe y vient le soir ;L'été voluptueux brunit l'ardente grappe ;Puis, buvant à deux mains le doux sang qui s'échappe,L'automne au front pourpré ...
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