La Chute du Christ
POÈME TRADUIT DE L’ANGLAIS
James Darmesteter
1879
Ergo vulneratus es sicut et nos,
factus es similis nostri.
ISAÏE, XIV, 10
À CEUX QUI RÊVENT
ET À CEUX QUI PENSENT
AUX CROYANTS QUI CROIENT
ET AUX CROYANTS QUI NIENT
MOI FRÈRE DES UNS ET DES AUTRES
ATHÉE ET CROYANT
JE CONSACRE CES PAGES RÉCIT DES CHOSES QUE J’AI VUES
NON POUR ATTRISTER NI POUR CONSOLER
NON POUR INSULTER NI POUR GLORIFIER
NON POUR MAUDIRE NI POUR BÉNIR
MAIS POUR FAIRE ENTRER EN TOUS
LA PLEINE ET RÉSIGNÉE CONSCIENCE
DES CHOSES QUI SERONT
Avertissement des éditeurs
Sommaire
1 I
2 II
3 III
4 IV
5 V
IUne de ces nuits dernières, étranges et branlantes, où mon âme, brisant les
barreaux de sa raison, bondissait en sa liberté native dans les espaces de ses
vastes empires ;
J’éveillai l’Ange de mes Ténèbres et je lui dis : « Ouvre-moi tes ailes d’ébène, tes
ailes légères, et emporte-moi, ô mon Ange, loin, bien loin, aussi loin que vont les
fous ou les morts !
― Viens, enfant, je t’emporterai loin, bien loin, plus loin que ne vont les fous ou les
morts. Viens, je t’emporterai au pays du Christ, je te ferai entrer dans la Cité de
Dieu.
― Non ! non ! bien d’autres avant moi y sont allés ; bien d’autres y vont tous les
jours ; non, mon Ange, cela n’en vaut pas la peine, je n’en veux pas.
― Le pays où je veux te conduire, enfant, nul mortel jusqu’à cette nuit n’y est allé.
Car cette cité du Christ dont je parle, n’est point celle où s’en vont les âmes saintes
des croyants bienheureux.
Elle n’a point ...
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