Victor Hugo — Les Chansons des rues et des boisL’Oubli XXI Autrefois inséparables, Et maintenant séparés. Gaie, elle court dans les prés, La belle aux chants adorables ; La belle aux chants adorés, Elle court dans la prairie ; Les bois pleins de rêverie De ses yeux sont éclairés. Apparition exquise ! Elle marche en soupirant, Avec cet air conquérant Qu'on a quand on est conquise. La Toilette, cet esprit, Cette déesse grisette, Qu'adore en chantant Lisette, À qui Minerve sourit, Pour la faire encore plus belle Que ne l'avait faite Dieu, Pour que le vague oiseau bleu Sur son front batte de l'aile, A sur cet ange câlin Épuisé toute sa flore, Les lys, les roses, l'aurore, Et la maison Gagelin. Soubrette divine et leste, La Toilette au doigt tremblant A mis un frais chapeau blanc Sur ce flamboiement céleste. Regardez-la maintenant. Que cette belle est superbe ! Le coeur humain comme l'herbe Autour d'elle est frissonnant. Oh ! la fière conquérante ! Le grand oeil mystérieux ! Prévost craint pour Desgrieux, Molière a peur pour Dorante. Elle a l'air, dans la clarté Dont elle est toute trempée, D'une étincelle échappée À l'idéale beauté. Ô grâce surnaturelle ! Il suffit, pour qu'on soit fou, Qu'elle ait un ruban au cou, Qu'elle ait un chiffon sur elle. Ce chiffon charmant soudain Aux rayons du jour ressemble, Et ce ruban sacré semble Avoir fleuri dans l'Éden. Elle serait bien fâchée Qu'on ne vît pas dans ses ...
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