Catulle Mendès — Le Parnasse contemporain, IIL’Enfant Cette nuit-là, le vent, par tonnantes saccades,D'un bout à l'autre bout de l'horizon roulait,Et les nuages bas s'effondraient en cascades.Nuit lugubre. Parfois un éclair violet,Bref comme un coup de fouet, cinglait les vastes ombres :Alors le long Volga, fugace, étincelait ;Car c'était dans les bois et dans les steppes sombresOù Blèda, subjuguant les antiques Germains,De leurs libres hameaux avait fait des décombres.Lents, courbés, et sur leurs manteaux croisant leurs mains,Deux prêtres, blancs vieillards appuyés l'un à l'autre,Traversaient, cette nuit, ce désert sans chemins.Ils pensaient : « Cette voie, étant dure, est la nôtre. »Celui qu'on nommait Jean comptait le plus de jours ;Le plus jeune avait nom Pierre, comme l'apôtre.Ils apportaient le Verbe à ces barbares sourds,Les Huns, fils des Mongols, lesquels eurent pour pèresLes Tatars accouplés aux femelles des ours ;Constantinople en proie aux bassesses prospèresAvait exilé Jean, et Pierre était venuDe Rome où l'hérésie a ses plus vieux repaires.Dans l'ombre sans étoile et dans le désert nuL'orage les ayant assaillis loin des tentes,Ils se hâtaient sans peur vers un but inconnu.Disputant aux vents froids leurs robes palpitantes,Comme on fait devant l'âtre ils parlaient en marchantDe leurs soucis, de leurs regrets, de leurs attentes.Pierre disait : « Mon Dieu ! Sur ce double penchant,Luxure et Cruauté, Rome branle et s'écroule ;Qui ...
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