Alfred de Vigny — Poèmes antiques et modernesÉloa, ou la sœur des AngesMystèreCHANT TROISIÈMEC h u t e D'où venez-vous, Pudeur, noble crainte, ô Mystère,Qu'au temps de son enfance a vu naître la terre,Fleurs de ses premiers jours qui germez parmi nous,Rose du Paradis ! Pudeur, d'où venez-vous ?Vous pouvez seule encor remplacer l'innocence,Mais l'arbre défendu vous a donné naissance ;Au charme des vertus votre charme est égal,Mais vous êtes aussi le premier pas du mal ;D'un chaste vêtement votre sein se décore :Ève avant le serpent n'en avait pas encore ;Et, si le voile pur orne votre maintien,C'est un voile toujours, et le crime a le sien ;Tout vous trouble, un regard blesse votre paupière,Mais l'enfant ne craint rien, et cherche la lumière.Sous ce pouvoir nouveau, la Vierge fléchissait,Elle tombait déjà, car elle rougissait ;Déjà presque soumise au joug de l'Esprit sombre,Elle descend, remonte, et redescend dans l'ombre.Telle on voit la perdrix voltiger et planerSur des épis brisés qu'elle voudrait glaner,Car tout son nid l'attend ; si son vol se hasarde,Son regard ne peut fuir celui qui la regarde...Et c'est le chien d'arrêt qui, sombre surveillant,La suit, la suit toujours d'un oeil fixe et brillant.Ô des instants d'amour ineffable délire !Le cœur répond au cœur comme l'air à la lyre.Ainsi qu'un jeune amant, interprète adoré,Explique le désir par lui-même inspiré,Et contre la pudeur aidant sa bien-aimée,Entraînant dans ses bras sa ...
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