Leconte de LislePoëmes et PoésiesDentu, libraire-éditeur, 1855 (pp. 9-55).ÇUNACÉPA.POËME.A Ferdinand de Lanoye.ILa Vierge au char de nacre, aux tresses dénouées,S’élance en souriant de la mer aux nuéesDans un brouillard de perle empli de flèches d’or.De son rose attelage elle presse l’essor ;Elle baigne le mont bleuâtre aux lignes calmes,Et la fraîche vallée où bercés sur les palmes,Les oiseaux au col rouge, au corps de diamant,Dans les nids attiédis sifflent joyeusement.Tout s’éveille, vêtu d’une couleur divine,Tout étincelle et rit : le fleuve, la colline,Et la gorge où, le soir, le tigre a miaulé,Et le lac transparent de lotus étoilé.Le bambou grêle sonne au vent ; les mousses hautesEntendent murmurer leurs invisibles hôtes ;L’abeille en bourdonnant s’envole ; et les grands bois,Épais, mystérieux, pleins de confuses voix,Où les sages plongés dans leur rêve ascétique,Ne comptent plus les jours tombés du ciel antique,Sentant courir la sève et circuler le feu,Se dressent rajeunis dans l’air subtil et bleu.C’est ainsi que l’Aurore, à l’Océan pareille,Disperse ses rayons sur la terre vermeille,Comme de blancs troupeaux dans les herbages verts,Et de son doux regard pénètre l’univers.Elle conduit au seuil des humaines demeuresLe souci de la vie avec l’essaim des heures ;Car rien ne se repose à sa vive clarté.Seul, dilatant son cœur sous le ciel argenté,Libre du vain désir des aurores futures,L’homme juste vers elle élève ses mains pures ...
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