Dans Francfort-sur-le-Mein, la ville électorale,Près de la Judengasse et de la cathédrale,A l’angle d’un marché houleux comme une mer,Derrière un mur penchant qui s’adosse au RœmerEt dont le plâtras noir, jadis peint à la fresque,Montre encore une Vierge en habit de moresque,Agonisa, trente ans, dans l’imbécillité,Un pauvre homme vaincu par l’âge ou dévastéPar quelque vieille angoisse incessamment accrue.Les ans lourds l’avaient fait tout petit. De la rueOn criait : « Tiens, un nain ! » Il ne répondait pas,Et sa droite s’ouvrait en guise de compasPour mesurer l’éther immense et les nuées.Ça puérilité consentait aux huées ;Et l’eût-on voulu battre, il n’aurait pas dit non.Les uns le croyaient juif. On savait mal son nom.S’il mangeait, aussitôt du coin de la ruelleMille petits cailloux volaient vers son écuelle ;Il mangeait les cailloux sans se plaindre, et le lieuFut célèbre parmi les enfants pour ce jeu.Deux fois le jour, ayant sur l’épaule une cruche,Il gagnait la fontaine où bourdonne la rucheDes servantes qui vont bras nus et sans corset ;Mais le cercle folâtre alors s’étrécissaitAutour du pilier qu’orne un Bacchus dérisoire,Pour empêcher le nain de puiser ou de boire.C’est là que je le vis pour la première fois.Une fille, en riant, lui donnait sur les doigtsD’une clé qu’elle avait dans la main. Plus cruelle,Une autre demandait au vieux s’il voulait d’elle,Provocante et, du doigt, soulevant son fichu.Lui, songeait. ...
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