Leconte de Lisle — Derniers PoèmesCozza et BorgiaFragment des États du DiableLe Diable, Jean XXIII, Alexandre VI .............................................................LE DIABLE.Sang de Dieu ! Balthazar, cette harangue est forte,Et votre Sainteté n'y va pas de main morte.Par mes cornes, ma queue et mes griffes ! Le vieuxDémosthènes, au Pnix, ne dégoisait pas mieux,Ni le bon Tullius sur les Rostres de Rome.Je suis émerveillé de pied en cap, cher homme !Tant le discours est vif, nerveux, précis, net, clair,Et siffle droit au but, tel qu'un trait d'arc dans l'air.Ah ! Compère, au beau temps de vos jeunes années,Sur l'espale à treillis des nefs vermillonnées,Les yeux luisants au fond du capuce marin,La masse au poing, la cotte au dos, l'épée au rein,Avec la courte hache et la miséricorde,Dans l'âpre bruit du vent qui rompt antenne et corde,Vous haranguiez ainsi vos joyeux compagnons,Calabrais, Provençaux nourris d'ail et d'oignons,Aragonais, Pisans, Génois, Grecs et Dalmates,Hâlés, séchés, tannés, tatoués des stigmatesDu fouet et du carcan familiers aux meilleurs,Mais réservant la part des Saints, pieux d'ailleurs.La rage les mordait au ventre, et, dagues hautes,Ils se ruaient comme un orage sur les côtes,Bondissant à travers l'écume du ressacMettant ville et faubourg, chaume et palais à sac,Faisant flamber l'église avec le feu des cierges,Forçant les celliers clos, les coffres et les vierges,Et buvant à longs traits, pour être plus ...
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