François de Malherbe — O d e s
À la reine, pendant sa régence
Si quelque avorton de l’Envie
Ose encore lever les yeux,
Je veux bander contre sa vie
L’ire de la terre et des cieux,
Et dans les savantes oreilles
Verser de si douces merveilles,
Que ce misérable corbeau,
Comme oiseau d’augure sinistre
[1]Banni des rives de Caïstre,
S’aille cacher dans le tombeau.
[2]Venez donc, non pas habillées
Comme on vous trouve quelquefois,
En jupes dessous les feuillées
Dansant au silence des bois ;
Venez en robes où l’on voie
Dessus les ouvrages de soie
Les rayons d’or étinceler,
Et chargez de perles vos têtes,
Comme quand vous allez aux fêtes
Où les dieux vous font appeler.
Quand le sang bouillant en mes veines
Me donnait de jeunes désirs,
Tantôt vous soupiriez mes peines,
Tantôt vous chantiez mes plaisirs :
Mais, aujourd’hui que mes années
Vers leur fin s’en vont terminées,
Siérait-il bien à mes écrits
D’ennuyer les races futures
Des ridicules aventures
D’un amoureux en cheveux gris ?
Non, vierges, non : je me retire
De tous ces frivoles discours ;
Ma reine est un but à ma lyre
Plus juste que nulles amours ;
Et quand j’aurai, comme j’espère,
Fait ouïr, du Gange à l’Ibère,
Sa louange à tout l’univers,
Permesse me soit un Cocyte,
Si jamais je vous sollicite
De m’aider à faire des vers !
Aussi bien, chanter d’autre chose
Ayant chanté de sa grandeur,
Serait-ce pas après la rose
Aux pavots chercher de l’odeur,
Et des louanges de la lune
Descendre à la clarté commune
D’un de ces feux du ...
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