*Si tu vas devant toi pour aller devant toi,C'est bien ; l'homme se meut, et c'est là son emploi ;C'est en errant ainsi, c'est en jetant la sondeQu'Euler trouve une loi, que Colomb trouve un monde.Mais, rêvant l'absolu, si c'est Dieu que tu veuxPrendre comme on prendrait un fuyard aux cheveux,Si tu prétends aller jusqu'à la fin des choses,Et là, debout devant cette cause des causes,Uranus des païens, Sabaoth des chrétiens,Dire : — Réalité terrible, je te tiens ! —Tu perds ta peine. * Ajuste, ô fils quelconque d'Ève,N'importe quel calcul à n'importe quel rêve,Ajoute à l'hypothèse une lunette, et metsDes chiffres l'un sur l'autre, à couvrir les sommetsDe l'Athos, du Mont-Blanc farouche, du Vésuve,Monte sur le cratère ou plonge dans la cuve,Fouille, creuse, escalade, envole-toi, descends,Fais faire par Gambey des verres grossissants,Guette, plane avec l'aigle ou rampe avec le crabe,Crois tout, doute de tout, apprends l'hébreu, l'arabe,Le chinois, sois indou, grec, bouddhiste, arien,Va, tu ne saisiras l'extrémité de rien.Poursuivre le réel, c'est chercher l'introuvable.Le réel, ce fond vrai d'où sort toute la fable,C'est la nature en fuite à jamais dans la nuit.Le télescope au fond du ciel noir la poursuit,Le microscope court dans l'abîme après elle ;Elle est inaccessible, imprenable, éternelle,Et n'est pas moins énorme en dessous qu'en dessus ...
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