Leconte de LisleN u r m a h a lPoèmes barbares, Librairie Alphonse Lemerre, s. d. (1889?) (pp. 136-142).N u r m a h a l À l’ombre des rosiers de sa fraîche terrasse,Sous l’ample mousseline aux filigranes d’or,Djihan-guîr, fils d’Akbar, et le chef de sa race,Est assis sur la tour qui regarde Lahor.Deux umrahs sont debout et muets, en arrière.Chacun d’eux, immobile en ses flottants habits,L’œil fixe et le front haut, tient d’une main guerrièreLe sabre d’acier mat au pommeau de rubis.Djihan-guîr est assis, rêveur et les yeux graves.Le soleil le revêt d’éclatantes couleurs ;Et le souffle du soir, chargé d’odeurs suaves,Soulève jusqu’à lui l’âme errante des fleurs.Il caresse sa barbe, et contemple en silenceLe sol des aryas conquis par ses aïeux,Sa ville impériale, et l’horizon immense,Et le profil des monts sur la pourpre des cieux.La terre merveilleuse où germe l’émeraudeEt qui s’épanouit sous un dais de saphir,Dans sa sérénité resplendissante et chaude,Pour saluer son maître exhale un long soupir.Un tourbillon léger de cavaliers mahrattesRoule sous les figuiers rougis par les fruits mûrs ;Des éléphants, vêtus de housses écarlates,Viennent de boire au fleuve, et rentrent dans les murs.Aux carrefours où l’œil de Djihan-Guîr s’égare,Passe, auprès des çudrâs au haillon indigent,Le brahmane traîné par les bufs de nagare,Dont le poil est de neige et la corne d’argent.En leurs chariots bas viennent les courtisanes,Les cils teints de çurma, la ...
Voir