Histoires de temps.. 1 Aptas court. Il court suivant l’ordre du maître. Il court, ses jambes griffées. Le dos lacéré. Le sang sur lui, les pieds dans la boue. Dans le limon du fleuve sacré. Nu. Juste un pagne en ceinture. Le filet dans ses bras, il le déploie tout en courant. En retenant sa respiration. Ne pas faire fuir la proie, le maître le tuerait. Le maître de son javelot le transpercerait comme Fanès. Fanès, son frère, mort pour avoir laissé partir l’oie. La proie est là, blessée. La flèche plantée dans une aile. Elle se débat. Lutte. Faisant voler les épillets bruns du papyrus, leur transmettant sa vie, qu’ils essaimeront de leurs graines. Elle est là. Sans cette flèche elle pourrait partir, fuir, vivre. Libre. Elle pourrait retrouver celle de Fanès. Comme lui, Aptas. Il s’approche. S’en saisit. Le petit cœur, bat, vibre entre ses doigts. 2 Le maître est encore loin. Ses ordres sont étouffés. Indistincts. Aptas sans plus réfléchir, ôte la flèche, rend la vie. L’oie hésite. Remue ses ailes. Vole. Près de lui, les papyrus bougent. Près de lui dans le Nil, l’eau parle. Elle parle d’un mouvement, la chute d’un corps. Un crocodile. Aptas songe à Maat. A-t-il été juste ? Puis un cri s’engouffre jusqu’à lui. Un cri de femme. Aptas avance. L’eau bleue, l’eau verte, l’eau marron se mélangent. Une main apparaît, disparaît. Elle bat. Se débat. Frappe l’eau. Sombre. Aptas plonge, se glisse jusqu’à cette forme. Il attrape un poignet, enserré d’un bracelet. Il tire.
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