Les Prisonniers du Caucase
Xavier de Maistre
1825
Les montagnes du Caucase sont depuis longtemps enclavées dans l’empire de
Russie sans lui appartenir. Leurs féroces habitants, séparés par le langage et par
des intérêts divers, forment un grand nombre de petites peuplades, qui ont peu de
relations politiques entre elles, mais qui sont toutes animées par le même amour de
l’indépendance et du pillage.
Une des plus nombreuses et des plus redoutables est celle des Tchetchenges, qui
habitent la grande et la petite Kabarda, provinces dont les hautes vallées s’étendent
jusqu’aux sommités du Caucase. Les boumes en sont beaux, courageux,
intelligents, mais voleurs et cruels, et dans un état de guerre presque continuel avec
[1]les troupes de la ligne .
C’est au milieu de ces bordes dangereuses et au centre même de cette immense
chaîne de montagnes que la Russie a établie un chemin de communication avec
ses possessions d’Asie. Des redoutes placées de distance en distance, assurent
la route jusqu’en Géorgie ; mais aucun voyageur n’oserait se hasarder à parcourir
seul l’espace qui les sépare. Deux fois par semaine, un convoi d’infanterie, avec du
canon et un parti considérable de Cosaques, escorte les voyageurs et les
dépêches du gouvernement. Une de ces redoutes, située au débouché des
montagnes, est devenue une petite bourgade assez peuplée. Sa situation lui a fait
[2]donner le nom de Wladi-Caucase : elle sert de résidence au commandant des
troupes qui font le pénible service dont ...
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