Les Elégies du TravailAndré TheurietRevue des Deux Mondes T.38, 1862Les Elégies du TravailLES ARAIGNÉESLe TisserandLa BrodeuseII. Le Retour au BoisIII. Vieille BalladeLes Elégies du Travail : 01LES ARAIGNÉESI. — LE TISSERAND.La cave est froide et sombre. Un escalier glissant,Envahi par l’ortie et la mousse, y descend.L’eau filtrée à travers les pierres de la voûteSur le sol détrempé se répand goutte à goutte ;L’enduit des murs s’écaille et s’en va par morceau,La fenêtre mal close est veuve d’un carreau.Dans le cadre béant de la vitre éborgnée,Depuis le jour naissant, une grise araignéeVa, vient, croise ses fils, tourne sans se lasser,Et déjà l’on peut voir les brins s’entrelacerEt dans l’air s’arrondir une frêle rosace,Chef-d’œuvre délicat de souplesse et de grâce.Parfois dans son travail l’insecte s’interrompt,Son regard inquiet plonge au caveau profond…Là, dans un angle obscur, un compagnon de peine,Un maigre tisserand, pauvre araignée humaine,Façonne aussi sa toile et lutte sans merci.Le lourd métier, par l’âge et la fraîcheur noirci,Tressaille et se débat sous la main qui le presse ;Sans cesse l’on entend sa clameur, et sans cesseLa navette de bois que lance l’autre mainEntre les fils tendus fait le même chemin.Du métier qui gémit le tisserand est l’âmeEt l’esclave à la fois : tout courbé sur la trame,Les pieds en mouvement, le corps en deux plié,À sa tâche, toujours la même, il est liéComme à la glèbe un serf. Les fuyantes ...
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