Le salon de 1861Henri DelabordeRevue des Deux Mondes T.33, 1861Le Salon de 1861Lorsqu’on voit, à chaque exposition nouvelle, le flot des œuvres secondairesenvahir de plus en plus le terrain, et le succès se prendre, faute de mieux, auxparadoxes, aux gentillesses, parfois même aux niaiseries pittoresques, on est tentéde se demander si, tel que nos mœurs l’ont fait, le Salon ne sert pas avant tout àentretenir un malentendu entre les artistes et le public. Sur ce théâtre qu’ont désertéles maîtres, et d’où les disciples d’élite tendent à s’éloigner à leur tour, qui ne sait laplace qu’usurpent les vétérans de la médiocrité ou les débutans à peine capablesde balbutier un rôle, les impuissances vieillies ou les ambitions hâtives? Ne les voit-on pas occuper presqu’entièrement la scène et s’y prélasser en sûreté deconscience, comme s’ils exerçaient une fonction principale? On ne s’explique ainsique trop bien ce nombre croissant d’année en année de tableaux de genre et depaysages, cette somme considérable d’habileté dépensée en menue monnaie, etcette transformation du Salon, qui devrait être le sanctuaire de l’art contemporain,en un entrepôt où se succèdent périodiquement les produits de l’industriepittoresque. La foule de son côté s’accommode du spectacle qu’on lui donne, sipeu solennel qu’il soit : elle l’accepte comme un fait consacré par l’usage, oubliantd’ailleurs le sens et les caractères primitifs de ce fait traditionnel, oubliant mêmequ’au commencement ...
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