Le Roman du Comte de ToulouseGaston Paris1900LE1ROMAN DU COMTE DE TOULOUSEMonsieur le Ministre,Mesdames, Messieurs,Le moyen âge romantique n’est pas, comme on l’a quelquefois dit par réactioncontre le genre « troubadour » une invention de quelques rêveurs naïfs, épris, surdes malentendus, d’une époque qu’ils ne connaissaient pas. La haute sociétéfrançaise de l’âge féodal a bien réellement conçu un idéal d’héroïsme, degénérosité, de courtoisie et d’amour, et cet idéal a trouvé dans la poésie sonexpression plus ou moins parfaite. Qu’il différât beaucoup de la réalité, c’est ce quenous prouve l’étude de l’histoire ; mais c’est déjà pour la France d’autrefois unhonneur de l’avoir conçu, de l’avoir aimé, de l’avoir exprimé, et de l’avoir inculquéaux autres nations. Si l’on doit surtout juger une société par ce qu’elle est, il fautaussi lui tenir compte de ce qu’elle voudrait être : la poésie qu’elle produitspontanément est un élément qu’on ne saurait négliger pour l’apprécier dans cequ’elle a de plus intime, puisque la poésie, comme l’a dit un poète sincère entretous, n’est après tout qu’« un rêve où la vie est plus conforme à l’âme. »Je veux vous entretenir aujourd’hui d’une histoire qui est, surtout dans ses dernièresformes, une de celles où cet idéal, un peu factice, il faut le dire, s’est le mieuxtraduit. On pourrait presque trouver qu’elle est trop « moyen âge » : on la croirait aupremier abord inventée par quelque romancier moderne, voyant ...
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