Le Revenant (Sade)Donatien Alphonse François de SadeLa chose du monde à laquelle les philosophes ajoutent le moins de foi, c'est auxrevenants ; si cependant le trait extraordinaire que je vais rapporter, trait revêtu dela signature de plusieurs témoins et consigné dans des archives respectables, si cetrait, dis-je, et d'après ces titres et d'après l'authenticité qu'il eut dans son temps,peut devenir susceptible d'être cru, il faudra bien, malgré le scepticisme de nosstoïciens, se persuader que si tous les contes de revenants ne sont pas vrais, aumoins y a-t-il sur cela des choses très extraordinaires.Une grosse Mme Dallemand que tout Paris connaissait alors pour une femme gaie,franche, naïve et de bonne compagnie, vivait depuis plus de vingt ans qu'elle étaitveuve, avec un certain Ménou, homme d'affaires qui logeait auprès de Saint-Jean-en-Grève. Mme Dallemand se trouvait un jour à dîner chez une Mme Duplatz,femme de sa tournure et de sa société, lorsqu'au milieu d'une partie que l'on avaitcommencée en sortant de table, un laquais vint prier Mme Dallemand de passerdans une chambre voisine, attendu qu'une personne de sa connaissancedemandait instamment à lui parler pour une affaire aussi pressée queconséquente ; Mme Dallemand dit qu'on attende, qu'elle ne veut point déranger sapartie ; le laquais revient, et insiste tellement que la maîtresse de la maison est lapremière à presser Mme Dallemand d'aller voir ce qu'on lui veut. Elle sort etreconnaît Ménou ...
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