Le prisonnier Une cellule et un homme attendant d'en sortir. La cour, cette cour attendue. Ces murs. La sonnerie de l'après-midi. Il est déjà prêt, debout et silencieux. Un bruit de clé dans une serrure. Il sort et suit. Il suit les autres prisonniers. Les yeux dans le vide, croirait-on. Mais dans son vide un tout. Dans sa main dans sa poche, un clou. Puis, la cour. Il se dirige d'un pas rapide vers un mur, touche des mains les aspérités de ce mur. La sonnerie retentit. Les prisonniers doivent stopper. Il s'arrête. Là. Endroit précis. Précisément et uniquement connu de lui. Il murmure : « Ma belle, je suis là. » On distingue une forme, juste une forme. A côté de celle-ci, il trace un contour à l'aide de son clou, celui d'une main. La seconde. Lui seul la perçoit, la sent se dessiner. Lui seul les voit à présent. Les deux mains d'une femme. Son mur féminin. Il s'approche très près du mur : « si douces tes mains. ». Il caresse de ses doigts les siens, ceux qu'ils a imaginés. Puis il appuie très fort sur son clou et saigne le mur aux rondeurs d'ongles féminins. Il souffle, ôtant le peu de poussières de pierre. Il souffle, il saigne. Longtemps. Et ses yeux s'illuminent. Il pose sa bouche dessus en écartant à peine ses lèvres d'où s'échappe : « tes ongles, si longs ». La sonnerie retentit. Les prisonniers doivent tous changer de place. Il longe le mur, les yeux rivés dessus. Il compte ses pas et garde une allure très lente. La sonnerie retentit.
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