Le Journal de Pavlik Dolsky
Alexeï Apoukhtine
Traduit du russe par J.-Wladimir Bienstock
6 novembre.
Hier, j’ai ressenti quelque chose d’étrange. Voilà déjà huit jours que je suis
souffrant. Sans doute, ce n’est rien de sérieux ; mais enfin je ne me sens pas bien :
j’ai mal à la tête, je tousse, la nuit je ne dors pas, et dans la journée, je suis
excessivement faible. Je me suis donc décidé à faire appeler ce médecin que je
rencontre souvent chez Maria Pétrovna. Il a fait ce que font en pareil cas tous les
médecins : il m’a ausculté, a pris ma température, et s’est préoccupé de la langue
et du pouls ; puis, trouvant tout en bon état, il s’est assis, pensif, devant le bureau.
Avant de faire l’ordonnance, il se leva et de nouveau approcha son oreille de mon
cœur, puis hocha la tête d’un air peu satisfait. Je l’interrogeai :
— Voyez-vous…, commença-t-il, en hésitant et en cherchant ses mots, votre cœur
est bon…, mais, comment vous dire ?… Regardez vos pantoufles, vous les portez
depuis longtemps et pourrez les porter longtemps encore ; pourtant le bout
commence à s’user, elles ont fait de l’usage. C’est bien comme votre cœur, il peut
servir encore. Quel âge avez-vous ?
— Quel âge, moi ?
— Oui, vous. Qu’y a-t-il donc qui vous étonne ?
— C’est que je ne pense jamais à mon âge. J’ai plus de quarante ans.
Le docteur sourit.
— Je ne doute pas que vous ayez plus de quarante ans ; mais combien au juste ?
Peut-être plutôt cinquante ?
— Si vous voulez. À peu près.
— Eh bien, ...
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