Leconte de Lisle
Le Conseil du Fakir
Poèmes barbares, Librairie Alphonse Lemerre, s. d. (1889?) (pp. 157-161).
Le Conseil du Fakir
>ingt Cipayes, la main sur leurs pommeaux fourbis
Et le crâne rasé ceint du paliacate,
Gardent le vieux Nabab et la Begum d’Arkate ;
Autour danse un essaim léger de Lall-Bibis.
Le Mongol, roide et grave en ses riches habits,
Égrène un chapelet fait d’ambre de Maskate ;
La jeune femme est belle, et sa peau délicate
Luit sous la mousseline où brûlent les rubis.
Devant eux, un Fakir demi-nu, maigre et sale,
Mange en un plat de bois du riz de Mangalor,
Assis sur les jarrets au milieu de la salle.
La fange de ses pieds souille la soie et l’or,
Et, tandis que l’on danse, il gratte avec ses ongles
Sa peau rude, en grondant comme un tigre des djungles.
II
- L’aile noire d’Yblis plane sur ton palais,
Mohammed-Ali-Khan ! Ta fortune est au faîte,
Mais la suprême part que le destin t’a faite
Va t’échoir, ô Nabab, sans beaucoup de délais.
Tes crimes les plus lourds, tes vices les plus laids,
Hâtent l’heure sinistre et vont clore la fête.
Allah ! Rien n’est profond, par l’Ane du Prophète !
Comme l’aveuglement sans borne où tu te plais.
Nabab ! Ta barbe est grise et ta prudence est jeune,
Et moi, j’ai reconnu la haine et son dessein
Par l’œil de la prière et l’oreille du jeûne.
Pourquoi réchauffes-tu le reptile en ton sein,
O Mohammed ? Voici qu’il siffle et qu’il t’enlace,
Et qu’il cherche à te mordre à la meilleure place ! -
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