Le capitaine Robinson, récit du cap HornThéodore PavieRevue des Deux Mondes T.37, 1862Le Capitaine Robinson, Récit du Cap HornIC’est un curieux spectacle que celui d’une baleine qui prend ses ébats au milieudes vastes solitudes de l’Océan. Émergeant du fond des abîmes, l’énorme cétacémontre au-dessus des flots son dos fauve, sur lequel des algues ont pris racinecomme sur un rocher. Il agite brusquement ses nageoires, s’élance en avant, et dumilieu de son front jaillit, pareil à une trombe, un jet d’eau que le vent disperse auloin comme un brouillard illuminé des couleurs changeantes du prisme. Après avoirainsi respiré, la baleine ouvre sa gigantesque bouche, dans laquelle se précipitenten masse, entraînés par une puissante attraction, les petits poissons qui servent ànourrir ce grand corps. Du haut des airs accourent avec des cris plaintifs lesgoélands et les damiers qui s’en vont, d’une aile inquiète, demander aux flots unepâture incertaine. L’apparition du géant des mers leur a révélé la présence de cesbancs de poissons qui voyagent en troupes serrées et exécutent à des époquesfixes de mystérieuses migrations. L’albatros, — que les anciens navigateursnommaient «le mouton du cap Horn,» — môle son bêlement étrange auxassourdissantes clameurs de ses congénères : paresseux et glouton, il réclame sapart du festin. Ainsi escortée par les oiseaux aux pieds palmés qui se plaisent ausein des tempêtes, la baleine poursuit sa marche; mais, toute-puissante ...
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