La Poésie française du dix-neuvième siècle
Ferdinand Brunetière
Paru dans
The International Library of Famous Literature
1899
Si l’on en voulait croire la plupart des historiens du romantisme, et quelques-uns
des romantiques eux-mêmes, ― Sainte-Beuve, par exemple, ou Théodore de
Banville, ― c’est avec et par André Chénier que commencerait en France la poésie
du dix-neuvième siècle. On ne saurait se tromper davantage. Grand poète et surtout
grand artiste, à la manière de Racine ou de Ronsard, il est bien vrai que ces deux
traits séparent et distinguent profondément André Chénier de tous les versificateurs
de son temps, Lebrun, Delille, et ce Roucher, qu’on lui associe d’ordinaire, parce
qu’ils montèrent tous deux le même jour sur l’échafaud, ou encore le chevalier de
Parny. Mais d’ailleurs, il n’a rien d’un « romantique » ; et de même que l’élégante et
ardente sensualité de son siècle respire dans ses Élégies, c’est encore un
« classique, » c’est un contemporain de Ronsard, c’est un païen, c’est un
Alexandrin, c’est un élève de Callimaque et de Théocrite, qu’on retrouve dans ses
Idylles. Nous ajouterons que ses Poésies, dont on n’a connu pendant plus de vingt-
cinq ans que des fragments épars, n’ont vu le jour pour la première fois qu’en
1819 ; et on pourrait bien signaler quelque trace de leur influence dans les premiers
Poèmes d’Alfred de Vigny, qui parurent en 1822, mais on en chercherait en vain
dans les premières Odes de Victor Hugo, qui sont de 1822, elles aussi, ou ...
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