La Jeune SibérienneXavier de Maistre1825Le courage d’une jeune fille qui, vers la fin du règne de Paul Ier, partit à pied de laSibérie, pour venir à Saint-Pétersbourg demander la grâce de son père, fit assez[1]de bruit dans le temps pour engager un auteur célèbre à faire une héroïne deroman de cette intéressante voyageuse. Mais les personnes qui l’ont connueparaissent regretter qu’on ait prêté des aventures d’amour et des idéesromanesques à une jeune et noble vierge qui n’eut jamais d’autre passion quel’amour filial le plus pur, et qui, sans appui, sans conseil, trouva dans son cœur lapensée de l’action la plus généreuse et la force de l’exécuter.Si le récit de ses aventures n’offre point cet intérêt de surprise que peut inspirer unromancier pour des personnages imaginaires, on ne lira peut-être pas sansquelque plaisir la simple histoire de sa vie, assez intéressante par elle-même, sansautre ornement que la vérité.Prascovie Lopouloff était son nom. Son père, d’une famille noble d’Ukraine, naquiten Hongrie, où le hasard des circonstances avait conduit ses parents, et servitquelque temps dans les housards noirs ; mais il ne tarda pas à les quitter pour veniren Russie, où il se maria. Il reprit ensuite dans sa patrie la carrière des armes,servit longtemps dans les troupes russes, et fit plusieurs campagnes contre lesTurcs. Il s’était trouvé aux assauts d’Ismaïl et d’Otchakoff, et avait mérité par saconduite l’estime de son corps. On ignore la cause de ...
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