Leconte de Lisle
La Fontaine aux Lianes
Poèmes barbares, Librairie Alphonse Lemerre, s. d. (1889?) (pp. 166-171).
La Fontaine aux lianes
Comme le flot des mers ondulant vers les plages,
Ô bois, vous déroulez, pleins d’arome et de nids,
Dans l’air splendide et bleu, vos houles de feuillages ;
Vous êtes toujours vieux et toujours rajeunis.
Le temps a respecté, rois aux longues années,
Vos grands fronts couronnés de lianes d’argent ;
Nul pied ne foulera vos feuilles non fanées :
Vous verrez passer l’homme et le monde changeant.
Vous inclinez d’en haut, au penchant des ravines,
Vos rameaux lents et lourds qu’ont brûlés les éclairs ;
Qu’il est doux, le repos de vos ombres divines,
Aux soupirs de la brise, aux chansons des flots clairs !
Le soleil de midi fait palpiter vos sèves ;
Vous siégez, revêtus de sa pourpre, et sans voix ;
Mais la nuit, épanchant la rosée et les rêves,
Apaise et fait chanter les âmes et les bois.
Par delà les verdeurs des zones maternelles
Où vous poussez d’un jet vos troncs inébranlés,
Seules, plus près du ciel, les neiges éternelles
Couvrent de leurs plis blancs les pics immaculés.
Ô bois natals, j’errais sous vos larges ramures
L’aube aux flancs noirs des monts marchait d’un pied vermeil ;
La mer avec lenteur éveillait ses murmures,
Et de tout œil vivant fuyait le doux sommeil.
Au bord des nids, ouvrant ses ailes longtemps closes,
L’oiseau disait le jour avec un chant plus frais
Que la source agitant les verts buissons de roses,
Que le rire ...
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