Leconte de Lisle
Poèmes antiques
Alphonse Lemerre, éditeur, s.d. (pp. 30-35).
Le vieux Daçaratha, sur son siège d’érable,
Depuis trois jours entiers, depuis trois longues nuits,
Immobile, l’œil cave et lourd d’amers ennuis,
Courbe sa tête vénérable.
Son dos maigre est couvert de ses grands cheveux blancs,
Et sa robe est souillée. Il l’arrache et la froisse.
Puis il gémit tout bas, pressant avec angoisse
Son cœur de ses deux bras tremblants.
A l’ombre des piliers aux lignes colossales,
Où le lotus sacré s’épanouit en fleurs,
Ses femmes, ses guerriers respectent ses douleurs,
Muets, assis autour des salles.
Le vieux Roi dit : — Je meurs de chagrin consumé.
Qu’on appelle Rama, mon fils plein de courage ! —
Tous se taisent. Les pleurs inondent son visage.
Il dit : — O mon fils bien aimé !
Lève-toi, Lakçmana ! Attelle deux cavales
Au char de guerre, et prends ton arc et ton carquois.
Va ! Parcours les cités, les montagnes, les bois,
Au bruit éclatant des cymbales.
Dis à Rama qu’il vienne. Il est mon fils aîné,
Le plus beau, le plus brave, et l’appui de ma race.
Et mieux vaudrait pour toi, si tu manques sa trace,
Malheureux ! n’être jamais né.
Le jeune homme aux yeux noirs, se levant plein de crainte,
Franchit en bondissant les larges escaliers ;
Il monte sur son char avec deux cymbaliers,
Et fuit hors de la Cité sainte.
Tandis que l’attelage aux jarrets vigoureux
Hennit et court, il songe en son âme profonde :
Que ferai-je ? Où trouver, sur la ...
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