Apologie des femmesCharles Perrault1694Timandre avait un fils, triste, fâcheux, colère,Des misanthropes noirs le plus atrabilaire,Qui, mortel ennemi de tout le genre humain,D’une maligne dent déchirait le prochain,Et sur le sexe même, emporté par sa bile,Exerçait sans pitié l’âcreté de son style.Le père, qui voulait qu’une suite d’enfantsPût transmettre son nom dans les siècles suivants,Cent fois l’avait pressé, pour en avoir lignée,De vouloir se soumettre aux lois de l’hyménéeEt cent fois par ce fils, de chagrins hérissé,Se vit, avec douleur, vivement repoussé.Un jour, qu’il le trouva d’une humeur moins sauvage,Le tirant à l’écart, il lui tint ce langage.Ce qui plaît, ce qui charme et qu’on aime en tous lieux,Te sera-t-il toujours un objet odieux :Ne saurai-je espérer que ton dédain se passe,Et qu’enfin le beau sexe avec loi rentre en grâce :Si tu t’en éloignais par un saint mouvement,El pour ne regarder que le ciel seulement,Te blâmer, sur ce point, serait une injustice,Et je t’applaudirais d’un si grand sacrifice ;Mais ce qui t’a jeté hors du chemin battu,Ce n’est que le caprice, et non pas la vertu.C’est un ordre éternel, qu’encore toute pure,Au fond de tous les cœurs imprime la nature,De rendre à ses enfants le dépôt précieuxDe la clarté du jour qu’on tient de ses aïeux.Heureux ! qui, révérant cette sainte conduite,N’arrête pas en soi, de soi-même la suite,Mais se rend immortel au gré de son désir.Serais-tu bien, mon fils, ...
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