Leconte de Lisle
Poèmes antiques
Alphonse Lemerre, éditeur, s.d. (pp. 184-220).
K h i r ô n
I
Hèlios, désertant la campagne infinie,
S’incline plein de gloire aux plaines d’Haimonie ;
Sa pourpre flotte encor sur la cime des monts.
Le grand fleuve Océan apaise ses poumons,
Et l’invincible Nuit de silence chargée
Déjà d’un voile épais couvre les flots d’Aigée ;
Mais, sur le Boibéis, aux rougissantes eaux,
Où l’étalon Lapithe humecte ses naseaux,
Sur la divine Hellas et la mer de Pagase
La robe d’Hèlios se déploie et s’embrase.
Non loin du Péliôn couronné de grands pins,
Par les sentiers touffus, par les vagues chemins,
Les pasteurs, beaux enfants à la robe grossière,
Qui d’un agile élan courent dans la poussière,
Ramènent tour à tour et les bœufs indolents
Dont la lance hâtive aiguillonne les flancs,
Les chèvres aux pieds sûrs, dédaigneuses des plaines,
Et les blanches brebis aux florissantes laines.
Sur de rustiques chars, les vierges aux bras nus
Jettent au vent du soir leurs rires ingénus,
Et tantôt, de narcisse et d’épis couronnées,
Célèbrent Dèmètèr en chansons alternées.
Durant l’éclat du jour, au milieu des joncs verts,
En d’agrestes cours d’eau, de platanes couverts,
Les unes ont lavé les toiles transparentes,
Les autres ont coupé les moissons odorantes,
Et toutes, délaissant la fontaine ou les champs,
Charmentau loin l’écho du doux bruit de leurs chants.
L’heure fuit, le ciel roule et la flamme recule.
La splendide vapeur du flottant crépuscule
S’épanche autour ...
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