Charles de Saint-Évremond
Œuvres mêlées
Jugement sur les sciences où peut s’appliquer un honnête homme
JUGEMENT SUR LES SCIENCES
1OÙ PEUT S’APPLIQUER UN HONNÊTE HOMME .
À un de ses amis.
(1662.)
Vous me demandez mon opinion sur les sciences où peut s’appliquer un honnête
homme ; je vous le dirai de bonne foi, sans prétendre que personne y doive
assujettir son jugement. Je n’ai jamais eu de grands attachements à la lecture. Si j’y
emploie quelques heures, ce sont les plus inutiles : sans dessein, sans ordre,
quand je ne puis avoir la conversation des honnêtes gens, et que je me trouve
éloigné du commerce des plaisirs. Ne vous imaginez donc pas que je vous parle
profondément de choses que je n’ai étudiées qu’en passant, et sur lesquelles j’ai
fait seulement de légères réflexions.
L a théologie me semble fort considérable, comme une science qui regarde le
salut ; mais, à mon avis, elle devient trop commune, et il est ridicule que les femmes
même osent agiter des questions qu’on devroit traiter, avec beaucoup de mystère
et de secret. Ce seroit assez pour nous d’avoir de la docilité et de la soumission.
Laissons cette doctrine tout entière à nos supérieurs, et suivons, avec respect, ceux
qui ont le soin de nous conduire. Ce n’est pas que nos docteurs ne soient les
premiers à ruiner cette déférence, et qu’ils ne contribuent à donner des curiosités
qui mènent insensiblement à l’erreur. Il n’y a rien de si bien établi chez les nations,
qu’ils ne soumettent à l’extravagance du ...
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