Fédor Mikhaïlovitch Dostoïevski
Journal d’un écrivain
Traduction J.-Wladimir Bienstock et de John-Antoine Nau.
Charpentier, 1904 (pp. 156-164).
III
La société russe de protection envers les animaux. – Un courier. – L’alcool. – Le prurit de la corruption. – Par le
commencement ou par la fin ?
J’ai lu dans le journal le Golos le récit de la fête du premier jubilé décennal de la Société russe de protection envers les animaux.
Voilà une belle et noble société, dont la fondation honore l’espèce humaine. L’idée qui a guidé les fondateurs semble bien résumé
dans ce qu’a dit le Président, le prince A. Souvorov, en son discours :
«… Le but de notre Société paraissait d’autant plus difficile à atteindre qu’on ne voulait pas, en général, voir les avantages moraux et
matériels que l’homme, lui-même, tirerait de la protection accordée aux animaux. C’est en s’habituant à traiter les bêtes avec douceur
que les hommes, par réflexion, en viendront à se traiter moins durement entre eux… »
Et, à dire vrai, la Société n’a pas seulement songé aux petits chiens et aux chevaux ; elle a pensé aussi à l’homme, auquel il est
souvent nécessaire de redonner une âme humaine.
Quand le paysan aura appris, quelquefois, à avoir pitié de ses bêtes, il aura sans soute l’idée que sa femme a besoin d’être moins
rudoyée. Et voilà pourquoi, bien que j’aime beaucoup les bêtes, je me réjouis encore plus des résultat de la Société au point de vue
de l’adoucissement de la misère humaine qu’à celui de ...
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