Fédor Mikhaïlovitch DostoïevskiJournal d’un écrivainTraduction J.-Wladimir Bienstock et de John-Antoine Nau.Charpentier, 1904 (pp. 37-41).INTRODUCTIONLe 20 décembre, j’apprenais que tout était arrangé et que je devenais le directeurdu Citoyen (Grajdanine). Cet évènement extraordinaire, — extraordinaire pour moi,— se produisait de façon assez simple.Ce même 20 décembre, je venais justement de lire un article du Bulletin deMoscou sur le mariage de l’empereur de Chine. L’article me fit une forteimpression. Cet évènement mirifique et, bien entendu, très complexe, avait eu lieu,aussi, de la façon la plus simple. Tout en avait été prévu, jusqu’aux moindresdétails, près de mille ans auparavant, dans les deux cents volumes du Livre desCérémonies.En comparant l’événement important qui se passait en Chine avec ma nominationde directeur du journal, je me sentit tout à coup fort ingrat envers les institutions demon pays, bien que l’autorisation m’eût été accordée sans difficulté par legouvernement.Je pensais que pour nous, — j’entends pour le prince Mestchersky et pour moi, — ileût été cent fois préférable d’éditer le Citoyen en Chine qu’en Russie. Là-bas toutest si clair : nous nous présenterions, le prince et moi, au jour fixé, à la Chancellerieprincipale de l’Imprimerie. Nous prosternant, nous frapperions du front le parquetque nous lécherions ensuite ; puis, nous remettant sur pied, nous lèverions un indexchacun, tout en baissant respectueusement la tête. ...
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