André Cochut
Historiens modernes de la France — Jules Michelet
Revue des Deux Mondes, Période initiale, 4eme série, tome 29, 1842 (pp. 186-
229).
Il y a des esprits qui ont le dangereux privilège de soulever les sentimens les plus
contradictoires, et qui justifient l’enthousiasme et le blâme par des qualités
sympathiques, comme par une exagération souvent choquante de ces mêmes
qualités. Si la critique doit éprouver de l’embarras et des scrupules, c’est surtout en
présence des écrivains de cette nuance. Comment concilier le devoir de la
sincérité avec la déférence due à ces hommes qui ont fait preuve de puissance en
remuant l’opinion? Le seul moyen peut-être, c’est de revenir sur toutes les traces
qu’ils ont laissées dans leur carrière, de signaler les influences subies et l’action
exercée par eux, de rappeler les efforts et les résultats, les applaudissemens et les
objections; c’est, en un mot, d’instruire fidèlement la cause, en laissant à chacun
des lecteurs la responsabilité de son propre jugement. Ainsi tacherons-nous de
faire à l’égard de M. Michelet.
Un procédé qui donne autant de charme que de vérité aux portraits littéraires,
consiste à expliquer l’œuvre intellectuelle par la biographie, la vie idéale par les
incidens de la vie pratique. Ce genre de commentaire n’est pas applicable à
l’historien que nous essayons de faire connaître : sa vie entière paraît avoir été
vouée aux silencieuses études. Par une exception dont il faut le féliciter, il ne s’est
point armé ...
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