Léon TolstoïScènes de la vie russeHenri Gautier, 1890 (pp. 175-211).ÉTEINS LE FEUPENDANT QU’IL EST ENCORE TEMPSLe paysan Ivan Fscherhakow vivait heureux dans sa ferme. Plein de force et desanté, il était le plus vaillant travailleur du village, et avait, en outre, trois fils pour leseconder. L’aîné avait déjà pris femme ; le deuxième songeait à le faire ; quant aucadet, c’était encore un adolescent, tout occupé du soin de ses chevaux et de sespremiers essais en agriculture.La mère était une femme de sens, une ménagère habile ; sa bru, d’un caractèredoux, était aussi fort appliquée au travail. Personne, d’ailleurs, ne restait oisif dansla ferme, à l’exception du vieux père d’Ivan, qui souffrait de l’asthme, et qui, depuissa soixante-dixième année, ne quittait pas sa couche sur le poele, la meilleure dansune habitation russe. La maison d’lvan ne manquait de rien. ll y avait trois chevauxavec un poulain, quinze moutons et une vache avec son veau d‘une année. (Pétait letrain d"un riche fermier. Les femmes vaquaîent au soin du ménage,raccommodaient le linge et la chaussure et aidaient les hommes pour certainstravaux des champs. ll restait toujours un excédent de blé quand venait la nouvellerécolte, et l’avoine seule payait toutes les dépenses de la ferme. Ah! si Ivan et lessiens avaient su jouir de leur bonheur! Mais, porte à porte avec eux, demeurait unautre paysan, Gravila Chromoi, fils de Gordei lwanow, et les deux familles étaienten guerre depuis ...
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