Charles de Saint-ÉvremondŒuvres mêléesDu merveilleux qui se trouve dans les poëmes des anciensDU MERVEILLEUX QUI SE TROUVEDANS LES POËMES DES ANCIENS.(1685.)Si l’on considère le merveilleux des poëmes de l’antiquité, dégagé des beauxsentiments, des fortes passions, des expressions nobles, dont les ouvrages despoëtes sont embellis ; si on le considère destitué de tous ornements, et qu’onvienne à l’examiner purement par lui-même, je suis persuadé que tout homme debon sens ne le trouvera guère moins étrange que celui de la chevalerie : encore ledernier est-il plus discret en ce point, qu’on y fait faire aux diables et aux magicienstoutes les choses pernicieuses, sales, déshonnêtes ; au lieu que les poëtes ontremis ce qu’il y a de plus infâme au ministère de leurs déesses et de leurs dieux.Ce qui n’empêche pas toutefois que les poëmes ne soient admirés, et que leslivres de chevalerie ne paroissent ridicules : les uns admirés, pour l’esprit et lascience qu’on y trouve : les autres trouvés ridicules, pour l’imbécillité dont ils sontremplis. Le merveilleux des poëmes soutient son extravagance fabuleuse, par labeauté du discours, et par une infinité de connoissances exquises quil’accompagnent. Celui de la chevalerie décrédite encore la folle invention de safable, par le ridicule du style dont il semble se revêtir.Mais, quoi qu’il en soit, le fabuleux du poëme a engendré celui de la chevalerie ; etil est certain que les diables et les enchanteurs causent ...
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