Leconte de LisleD j i h a n - A r aPoèmes barbares, Librairie Alphonse Lemerre, s. d. (1889?) (pp. 145-151).D j i h a n - A r â Quand tu vins parfumer la tige impériale,Djihan-Arâ ! Le ciel était splendide et pur ;L’astre du grand Akbar en couronnait l’azur ;Et couchée au berceau sur la pourpre natale,Rose, tu fleurissais dans le sang de Tymur.L’aurore où tu naquis fut une aube de fête ;Son rose éclair baigna d’abord tes faibles yeux.Ton oreille entendit flotter un bruit joyeuxDe voix et de baisers, et, de la base au faîte,Tressaillir la demeure auguste des aïeux.De ses jardins royaux, Delhi, la cité neuve,Effeuilla devant toi l’arôme le plus frais ;Les peuples, attentifs à l’heure où tu naîtrais,Saluèrent ton nom sur les bords du saint fleuve,Et l’écho le redit à l’oiseau des forêts.Jeune âme, tu reçus le tribut de cent villes.La mosquée octogone alluma, jours et soirs,Ses tours de marbre roux, comme des encensoirs ;Mais ton rire enfantin luit sur les fronts servilesMieux que les minarets sur les carrefours noirs.Afin qu’on te bénît par des vux unanimes,Pour que le pervers même adorât le momentOù ton âme brilla dans ton regard charmant,Le sabre s’émoussa sur le cou des victimes,Et ton premier soupir fut un signal clément.Tu grandis, de respect, d’amour environnée,Sous les dômes mongols de ta grâce embellis,Calme comme un flot clair, vierge comme les lys,Plus digne de mourir au monde, à peine née,Que l’homme de baiser ta robe aux chastes ...
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