Charles de Saint-ÉvremondŒuvres mêléesDiscours sur les historiens françois1DISCOURS SUR LES HISTORIENS FRANÇOIS .(1673.)Il faut avouer que nos Historiens n’ont eu qu’un mérite bien médiocre. Sans l’envienaturelle qu’ont les hommes de savoir ce qui s’est passé dans leur pays, je ne saiscomment une personne qui a le bon goût des histoires anciennes, pourrait serésoudre à souffrir l’ennui que donnent les nôtres. Et certes, il est assez étrange quedans une monarchie où il y a eu tant de guerres mémorables et tant dechangements signalés dans les affaires ; que parmi des gens qui ont la vertu defaire les grandes choses et la vanité de les dire, il n’y ait pas un historien quiréponde, ni à la dignité de la matière, ni à notre propre inclination.J’ai cru autrefois qu’on devoit attribuer ce défaut-là à notre langue ; mais quand j’aiconsidéré depuis que la beauté du françois dans la traduction égaloit presque celledu grec et du latin dans l’original, il m’est venu dans la pensée, malgré moi, que lamédiocrité de notre génie se trouve au-dessous de la majesté de l’histoire.D’ailleurs, quand il y auroit parmi nous quelques génies assez élevés, il y a trop dechoses nécessaires à la composition d’une belle histoire, pour les pouvoirrencontrer dans une même personne. On trouveroit peut-être un style assez pur etassez noble en quelques-uns de nos auteurs, qui, pour mener une vie éloignée dela cour et des affaires, les traiteroient avec des maximes générales et des ...
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